Trois journalistes d'Al-Jazeera détenus en Égypte depuis un an pour soutien présumé aux islamistes risquent de passer encore plusieurs semaines en prison après que la justice a ordonné un nouveau procès, mais deux d'entre eux misent sur une possible extradition.

Employés par l'antenne anglophone de la chaîne qatarie, l'Australien Peter Greste, l'Égypto-Canadien Mohamed Fadel Fahmy et l'Égyptien Baher Mohamed ont écopé en juin de sept à 10 ans de prison pour «diffusion de fausses informations» en soutien aux Frères musulmans, la confrérie du président destitué Mohamed Morsi.

Mais jeudi, la Cour de cassation a ordonné un nouveau procès dans cette affaire qui a déclenché un tollé international. Les familles des trois journalistes, qui restent en prison, ont exprimé leur déception, car ils s'attendaient à leur libération à la faveur d'un rapprochement entre le Qatar et l'Égypte.

Désormais, les proches de MM. Fahmy et Greste mettent tous leurs espoirs dans une loi promulguée en novembre par le président Abdel Fattah al-Sissi, qui autorise l'extradition des étrangers condamnés à la prison ou en instance de jugement.

«Nous avons présenté cette semaine une demande auprès du procureur pour extrader Greste conformément au décret présidentiel», a indiqué vendredi à l'AFP Mostapha Nagi, l'avocat du journaliste australien, précisant que «les autorités égyptiennes n'ont pas encore répondu».

«Longue procédure»

«La procédure est longue; après la demande faite au procureur, celle-ci doit être soumise au Conseil des ministres pour accord puis au président de la République en vue de son extradition», a précisé M. Nagi.

Cette demande d'extradition «est le meilleur moyen pour que Peter revienne à la maison», ont indiqué à Brisbane en Australie les deux frères du journaliste, Andrew et Mike Greste.

La famille de M. Fahmy a entamé des démarches similaires, mais le cas du journaliste égypto-canadien est plus complexe en raison de sa double nationalité.

Le frère de M. Fahmy, Adel, s'est contenté de dire que «l'extradition était entre les mains des autorités». Son avocat, Negad al-Boraï, a néanmoins souligné que «pour pouvoir être déporté, M. Fahmy allait devoir renoncer à sa nationalité égyptienne».

Selon un responsable du parquet, plusieurs alternatives sont sur la table: le chef de l'État peut donner son accord à une extradition sans attendre le nouveau procès qui pourrait s'ouvrir dans les 45 jours, ou accorder sa grâce, mais seulement après le verdict du nouveau tribunal. Une autre option est que «le tribunal ordonne leur libération sous caution».

«Une injustice»

En cas de rejet des demandes d'extradition, les familles des journalistes ont indiqué vouloir demander leur libération sous caution à l'ouverture du nouveau procès.

Pour la femme de Baher Mohamed, Jihan, une possible extradition de MM. Fahmy et Greste représenterait «une injustice» pour son époux. «Mon mari sera le seul à écoper d'une peine de prison. Si cela arrive, j'essaierai de lui obtenir une nationalité étrangère pour qu'il puisse être extradé».

MM. Greste et Fahmy avaient été arrêtés dans une chambre d'hôtel transformée en bureau au Caire, où ils travaillaient -clandestinement selon l'accusation- sans l'accréditation obligatoire pour tous les médias.

L'affaire intervenait alors que l'Égypte et le Qatar, où est basé Al-Jazeera, étaient à couteaux tirés depuis l'éviction de M. Morsi en juillet 2013 par M. Sissi, alors chef de l'armée.

Le Caire reprochait à Doha de soutenir les Frères musulmans, notamment via Al-Jazeera, dont les antennes arabophones ont dénoncé l'éviction de M. Morsi et la sanglante répression qui s'est abattue sur ses partisans (plus de 1400 morts).

Mais depuis plusieurs semaines les deux pays multiplient les signes de rapprochement. Le 20 décembre, après la visite inédite au Caire d'un émissaire de l'émir du Qatar, l'Égypte se réjouissait d'une «nouvelle ère» et Doha exprimait son «soutien total» au gouvernement Sissi.