Un an jour pour jour après le décès de Nelson Mandela, l'archevêque Desmond Tutu a chaleureusement accueilli vendredi les fidèles sud-africains et les touristes étrangers à la cathédrale St. George, dans le centre-ville du Cap.

Allié de Mandela dans la lutte contre l'apartheid et jadis président de la Commission de vérité et de réconciliation, Tutu a ouvert son traditionnel service du vendredi à la cathédrale anglicane en évoquant l'importance «d'honorer la vie de Nelson Mandela».

«Un an après la disparition de Madiba, n'oublions pas de garder un oeil sur le baromètre des tensions raciales dans notre pays», a dit l'archevêque anglican, connu pour son habitude d'entremêler les affaires religieuses et politiques.

À la fin de son homélie, le Prix Nobel de la paix a serré la main de chacun des fidèles avant d'afficher son fameux sourire hilare pour l'inévitable séance de photos avec ses admirateurs, car à Cape Town, le célèbre archevêque a une aura de rock star.

En l'absence de son ami Mandela, Desmond Tutu, cet octogénaire toujours loquace et actif, s'est en quelque sorte mis à jouer le rôle de «conscience morale de l'Afrique du Sud» au cours des 12 derniers mois.

Scandales de corruption qui entachent l'ANC (parti dont Mandela était le leader) du président Jacob Zuma, grabuge au Parlement, fréquentes coupures de courant, économie chancelante, grève dans l'industrie du platine... L'année qui a suivi la mort de Mandela a démontré que l'Afrique du Sud a perdu l'élan entamé par la Coupe du Monde de 2010, et que le pays orphelin a bien besoin d'un père spirituel.

«Pendant l'apartheid, Tutu a utilisé la religion pour galvaniser le peuple sud-africain et Nelson Mandela s'est inspiré de lui. Avec la disparition de Mandela, il tient désormais un rôle de modèle. Personne d'autre ne possède son envergure dans notre pays», explique la photojournaliste Sumaya Hisham, qui a monté une exposition avec les nombreuses photos de Tutu qu'elle accumule depuis 2010.

Critique du gouvernement

À maintes occasions, et particulièrement lors des élections générales de mai 2014, Desmond Tutu s'est publiquement dissocié de Jacob Zuma. Il a aussi pris position pour l'euthanasie, évoquant la disgrâce qu'a subie Mandela dans les derniers mois de sa vie, tout particulièrement à la suite de la diffusion d'images captées par une caméra de télévision.

«Il était évident que Madiba n'était pas complètement présent. Il ne parlait pas. Mon ami n'était plus lui-même. Cela était un affront à la dignité de Madiba», a-t-il confié au quotidien britannique The Guardian.

Par ailleurs, en septembre dernier, Tutu a tenté de rallier d'autres Prix Nobel de la paix afin d'infirmer la décision des autorités sud-africaines de refuser au dalaï-lama le visa qui lui aurait permis de prendre part au Sommet de la paix qui se tenait au Cap. Ce faisant, Tutu s'est montré critique des efforts trop insistants du gouvernement sud-africain de plaire à la Chine.

«Il est ce qui se rapproche le plus de Mandela», dit David Allan, un motard dans la cinquantaine venu prier avec d'autres compatriotes habitués des offices du vendredi.