Plus divisé que jamais, le parti de Robert Mugabe, au pouvoir au Zimbabwe depuis 1980, tient cette semaine un congrès crucial pour l'avenir du pays, quelques jours après une spectaculaire purge qui a vu l'éviction de plusieurs poids lourds.

Les 12 000 délégués de la Zanu-PF, le parti qui a mené la lutte pour l'indépendance contre les Britanniques, vont reconduire sans rechigner leur chef charismatique à la tête du parti.

Mugabe n'a jamais désigné de successeur, mais les ténors du parti, conscient que leur président a désormais 90 ans, jouent en coulisse une partie serrée pour préparer sa succession, qui mènera inévitablement le vainqueur au poste de chef de l'État.

Plusieurs d'entre eux viennent d'être évincés, pour avoir été trop proches de la vice-présidente Joice Mujuru, qui semble avoir perdu une bataille d'influence contre la première dame Grace Mugabe, âgée de 49 ans.

«C'est un tournant majeur dans le destin de la Zanu-PF», a commenté pour l'AFP le politologue Ibbo Mandaza. «Nous ne savons même pas à quoi ressemblera la Zanu-PF à la fin du congrès. Les règles du jeu ont complètement changé».

Les délégués pourraient approuver des amendements au règlement du parti autorisant Robert Mugabe à désigner lui-même ses vices-présidents. Ce qui enlèverait tout caractère électif au congrès.

«Le travail du congrès est déjà fait en grande partie, puisque Mugabe aura le pouvoir de choisir ceux avec qui il veut travailler», note pour sa part Rushweat Mukunduof, analyste à l'Institut du Zimbabwe pour la Démocratie.

«Lèche-bottes»

«S'il reste une compétition, ce sera entre les lèche-bottes qui vont tenter de s'attirer les faveurs du président», ajoute-t-il.

Rugare Gumbo, ex-porte-parole du parti, victime de la purge et actuellement suspendu, ne mâche pas ses mots : «Tout ce congrès est un non-événement, parce que la constitution (du parti) a été manipulée et violée. Où est la démocratie? Ce n'est plus un congrès. C'est une parodie!».

Longtemps considérée comme favorite pour succéder au vieux chef en cas de décès, Joice Mujuru semble pour l'instant hors-jeu, évincée du comité central de la Zanu-PF.

L'épouse du président a accusé sa rivale de corruption, et la presse gouvernementale est allée jusqu'à la soupçonner d'avoir comploté pour attenter à la vie de Mugabe. Sans preuve.

La seule chance de Mme Mujuru serait désormais d'être personnellement nommée par Mugabe à une vice-présidence du parti. Ce qui paraît improbable, vu la pression exercée par Grace Mugabe. Cette dernière a réussi à se faire élire en août à la tête de la ligue des femmes du parti, et ne cache pas son ambition de tirer les ficelles pour organiser la succession de son mari à la tête de l'État.

Le favori, pour l'instant, est donc l'autre vice-président de la Zanu-PF, l'influent ministre de la Justice Emmerson Mnangagwa, 68 ans. L'homme était déjà un dirigeant durant la guerre d'indépendance des années 70, et avait été nommé ministre de la Sécurité nationale dans le premier gouvernement postcolonial, en 1980.

C'est lui qui tenait les manettes des forces de l'ordre lors d'une vague de répression sanglante contre les opposants dans les années 1980, qui a fait environ 20 000 morts, selon un bilan qui n'a jamais été confirmé par le pouvoir.

Sous Mugabe, M. Mnangagwa a notamment été ministre de la Défense, puis des Finances.

Le Congrès débute mardi pour deux jours de travaux à huis-clos. Robert Mugabe doit prononcer jeudi le discours d'ouverture, avant les séances publiques prévues jusqu'à samedi.