La police sud-africaine a ouvert une enquête pour déterminer si le président Jacob Zuma a illégalement profité des travaux engagés aux frais du contribuable dans sa résidence privée pour en améliorer le confort.

Dans une courte réponse au chef du groupe de l'opposition Mmusi Maimane, rendue publique lundi par le Parlement, le ministre de la Police écrit qu'une enquête «a été ouverte» sur l'usage des 17,6 millions d'euros (près de 25 millions de dollars) engagés sur le domaine de M. Zuma dans son village natal de Nkandla (est), officiellement pour en améliorer la sécurité.

«Aucune autre information ne peut être divulguée à ce stade tant que l'enquête est en cours. Autant dire que toutes les procédures ont été suivies», a-t-il ajouté.

Le président Jacob Zuma, réélu en mai pour un second mandat de cinq ans, est sous le feu des critiques depuis plusieurs mois pour avoir engagé des travaux n'ayant apparemment aucun rapport avec sa sécurité personnelle.

Alors que ses ministres, ses camarades de parti et leurs alliés jurent leurs grands dieux que tout s'est passé dans les règles, le président a répété à plusieurs reprises qu'il n'a été mis au courant de rien.

La médiatrice Thuli Madonsela, chargée de veiller au bon usage des deniers publics, a jugé en mars que le président avait illégalement profité du chantier, dénonçant la construction d'une piscine, d'un amphithéâtre, d'un enclos à bétail et d'un poulailler.

«La mise en oeuvre du projet Nkandla donne l'impression d'une sécurité excessive et déraisonnable, "Rolls Royce", constituant un îlot dans un océan de pauvreté où les infrastructures publiques sont rares», a-t-elle alors sèchement ajouté, rappelant que la plupart des Sud-Africains ont bien du mal à joindre les deux bouts.

Mme Madonsela a demandé au président de rembourser une partie des 246 millions de rands (près de 25 millions de dollars) engagés, demande que Jacob Zuma a ignorée, jugeant notamment que c'est à son propre ministre de la Police de lui demander des comptes.

«Maintenant, la police doit faire son travail», a déclaré lundi Mmusi Maimane.



«Stade très précoce»

Tandis que la présidence sud-africaine s'est refusée à tout commentaire, le porte-parole de la police Solomon Makgale a souligné à l'AFP que l'enquête en était encore «à un stade très précoce».

«Nous ne parlons même pas encore de chefs d'accusation», a-t-il ajouté.

«Des membres de partis d'opposition ont porté plainte à de nombreux postes de police. (L'affaire) a été centralisée au niveau national», a précisé M. Makgale.

«Souvenez-vous, tous les partis politiques (d'opposition) sont allés aux bureaux des plaintes et ont dit que nous voulions ouvrir une enquête pour corruption. Ils ont apporté le rapport de la médiatrice au bureau des plaintes», a souri le porte-parole de la police.

L'affaire empoisonne le quotidien du président, qui a dû quitter le Parlement en août devant la fronde des Combattants pour la liberté économique (EFF, extrême gauche) du leader populiste Julius Malema, ceux-ci criant «Rembourse l'argent» jusqu'à ce que la police anti-émeute soit appelée à la rescousse.

Jacob Zuma n'est pas retourné au Parlement depuis, au grand dam de l'opposition.

«Tant que ce type de comportement de membres des partis de l'opposition persistera, nous ne pourrons pas avoir de bonnes relations entre le Parlement et l'exécutif», l'a excusé la semaine dernière le vice-président Cyril Ramaphosa.

Ce n'est pas la première fois que M. Zuma, 72 ans, fait l'objet de poursuites.

La justice a - de façon étonnante, selon ses opposants - abandonné la procédure juste avant les élections de 2009, alors qu'il était accusé d'avoir demandé des pots-de-vin pour l'achat d'armes au groupe français Thales. Son conseiller financier a été condamné dans cette affaire, sur laquelle se penche actuellement une commission d'enquête.

Il a aussi été acquitté dans un procès pour viol en 2006, non sans avoir soulevé l'indignation dans le pays en disant qu'il avait pris une douche pour éviter le sida après un rapport non protégé avec la jeune femme séropositive qui l'accusait, la fille d'un ami.

PHOTO MARCO LONGARI, ARCHIVES AFP

Fin mars, la Cour constitutionnelle avait jugé que le chef de l'État avait violé la constitution en refusant de rembourser les frais de rénovation de sa propriété privée non liés à la sécurité.