Après avoir posé les bases de la future transition, le Burkina Faso attend désormais la désignation de la personnalité civile qui en prendra la tête et conduira le pays à des élections générales d'ici un an.

Moins d'une semaine après la chute du président Blaise Compaoré, la situation au Burkina Faso devait être examinée par la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO) lors d'un sommet extraordinaire organisé jeudi et vendredi à Accra, au Ghana.

Le président ghanéen John Dramani Mahama, actuel chef de la CÉDÉAO, était mercredi à Ouagadougou avec ses homologues nigérian Goodluck Jonathan et sénégalais Macky Sall, pour pousser les acteurs de la crise à s'entendre rapidement.

Mercredi soir, après des tractations marquées de nombreux éclats de voix, forces armées, partis politiques, société civile et chefs religieux et traditionnels se sont finalement accordés sur «la formation d'un gouvernement de transition pour une période d'un an» et «l'organisation d'élections présidentielle et législatives d'ici novembre 2015», selon un communiqué.

Organisée dans un hôtel de luxe de la capitale, «la réunion s'est très bien passée», a jugé le lieutenant-colonel Isaac Zida, l'actuel homme fort de la transition burkinabè.

Toutes les parties se sont également entendues sur la nécessité de «la nomination urgente par consensus d'une éminente personnalité civile pour présider la transition», échouant néanmoins à désigner un nouveau chef pour remplacer le lt-colonel Zida.

Elles ont aussi convenu de rétablir immédiatement la Constitution suspendue par l'armée, «permettant au Conseil constitutionnel de déclarer la vacance du pouvoir et d'annoncer le processus de mise en place d'un gouvernement de transition».

«Notre intention n'était pas de ramener (sic) des noms au sommet de la CÉDÉAO» à Accra, cette décision appartient «au peuple du Burkina Faso», a déclaré le président ghanéen après les tractations.

«D'ici quelques jours plutôt que quelques semaines, nous pourrons parvenir à un accord et installer un gouvernement de transition», a-t-il espéré.

L'Union africaine (UA) avait menacé lundi le Burkina Faso de sanctions si les militaires, qui se sont emparés du pouvoir vacant après la démission forcée de Blaise Compaoré le 31 octobre, ne remettaient pas le pouvoir aux civils d'ici deux semaines.

Le lt-colonel Zida s'y était engagé dès mardi, sous forte pression de l'UA, mais aussi des États-Unis et de la France.

Cet ex-numéro deux de la garde avait été désigné le 1er novembre par l'armée pour prendre la tête du pays, après la fuite du président Compaoré, chassé, après 27 ans au pouvoir, par une insurrection populaire.

La France, ancienne puissance coloniale et premier bailleur de fonds du Burkina Faso, a affirmé l'avoir poussé à lâcher le pouvoir et aidé à gagner la Côte d'Ivoire voisine - où il pourra rester «aussi longtemps» qu'il le voudra, a assuré le président Alassane Ouattara, un vieil allié.

Si les militaires ne semblent pas vouloir s'accrocher au pouvoir, tout reste à faire politiquement : la désignation d'un chef civil de la transition, certes, mais aussi la formation d'un gouvernement, comme le stipule l'accord de mercredi.

Règlements de comptes

Le texte prévoit aussi «la conduite de consultations inclusives entre les leaders des partis politiques, les représentants de la société civile, les leaders religieux et traditionnels ainsi que les forces armées nationales afin d'arrêter la structure et la composition des organes de transition».

Les relations tendues entre l'opposition, forte de sa victoire - le départ de Compaoré -, et l'ex-majorité du régime déchu compliquent la tâche.

Durant les négociations, des représentants de la société civile et de l'opposition ont un moment quitté la salle, demandant l'exclusion des pro-Compaoré.

«Nous n'avons pas encore enterré nos morts et voilà qu'on remet en selle des gens qui étaient arrogants et qui narguaient le peuple», s'est offusqué Luc Marius Ibriga, porte-parole de la société civile.

Les contestataires ont finalement accepté de reprendre les discussions. Mais c'est alors l'ex-majorité qui a refusé de siéger.

L'opposition a aussi contesté la légitimité de la médiation de la CÉDÉAO, son chef Zéphirin Diabré arguant d'une «question de souveraineté».

Si l'accord de mercredi entre les différents acteurs de la crise politique pose «la garantie de la sécurité de tous les Burkinabè», y compris les anciens dignitaires du régime Compaoré, l'heure des règlements de comptes semble néanmoins avoir sonné.

Assimi Kouanda, chef de l'ancien parti présidentiel, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), a été arrêté mardi soir, de même qu'Adama Zongo, président d'un mouvement pro-Compaoré, selon des sources sécuritaires.

Le Front républicain, parti allié du CDP, s'est également plaint que ses responsables soient menacés physiquement, et pour certains attaqués.

Du côté de la population, la vigilance reste de mise.

«La population a peur que les militaires gardent le pouvoir», explique Mohamed Ouédraogo, un étudiant en physique de 33 ans.

Et l'influente Église catholique a fait savoir mercredi qu'elle souhaitait que les dirigeants de la transition ne puissent concourir à la prochaine élection présidentielle, afin d'éviter les «calculs politiciens».