Sous forte pression internationale, l'homme fort de la transition au Burkina Faso, le lieutenant-colonel Isaac Zida, s'est engagé mardi à «remettre le pouvoir aux civils» auprès du plus influent chef traditionnel du pays.

D'après le président de la confédération des syndicats-FO-Union des syndicats libres, Joseph Tiendrebeogo, qui l'a également rencontré, M. Zida a déclaré que «si tout le monde s'accorde, il n'y a pas de raison pour que d'ici 15 jours la transition ne soit pas faite» - sans préciser néanmoins s'il parlait d'un transfert de pouvoir aux civils.

Ce délai de deux semaines correspond à l'ultimatum de l'Union africaine, qui a brandi lundi la menace de sanctions.

Désigné par l'armée comme chef du régime intérimaire après la chute du président Blaise Compaoré, M. Zida avait été reçu dans la matinée au palais du Mogho Naba, chef très respecté des Mossi, la plus importante communauté burkinabè, avec l'archevêque Philippe Ouédraogo et l'imam Sana, le chef de la communauté musulmane.

«Ils sont venus nous dire qu'ils vont remettre le pouvoir aux civils. Nous les avons encouragés à aller dans ce sens. Le pays doit retrouver la quiétude et la paix», a déclaré le Mogho Naba.

Le militaire a donc réitéré, plus clairement, sa promesse faite la veille d'une transition «dans un cadre constitutionnel», «dirigée par une personnalité consensuelle».

L'officier subit une forte pression internationale de la part de ses deux principaux alliés, les États-Unis - qui avaient demandé le transfert du pouvoir aux civils dès dimanche - et surtout la France, ancienne puissance coloniale et premier bailleur de fonds du Burkina Faso, enfin sortie de son silence pour délivrer le même message.

Le président français François Hollande a confirmé mardi que la France avait «fait en sorte que le président Compaoré (...) puisse être évacué vers la Côte d'Ivoire», avec «tous les moyens qui pouvaient être utiles», pour «permettre la transition» sans «drames» ni «bain de sang».

Le magazine Jeune Afrique, qui a révélé cette implication française, affirme que la France avait mis à disposition un hélicoptère et un avion.

M. Hollande s'est gardé de donner davantage de précisions, ajoutant simplement que Paris avait fait pression sur M. Compaoré pour qu'il quitte le pouvoir.

Ce dernier s'est réfugié chez son allié ivoirien, le président Alassane Ouattara, qui le loge dans une résidence d'État à Yamoussoukro.

Toujours sur le plan diplomatique, le chef de l'État ghanéen et président en exercice de la Cédéao (l'organisation régionale ouest-africaine), John Dramani Mahama, ainsi que les présidents nigérian Goodluck Jonathan et sénégalais Macky Sall, se rendront mercredi à Ouagadougou pour rencontrer Isaac Zida et d'autres acteurs politiques.

Quant au Canada, d'où s'exprimait M. Hollande, il a annoncé la suspension de son aide au développement au Burkina Faso, en attendant qu'un «gouvernement civil stable et élu démocratiquement» soit «en place».

Détente à Ouagadougou 

Alors que la rue s'est calmée depuis deux jours à Ouagadougou, l'opposition, après une réunion avec les représentants de la médiation tripartite conduite par l'ONU, la Cédéao et l'Union africaine, s'est contentée d'une déclaration prudente.

Évoquant un «certain nombre de concertations en cours» sur la mise en place d'un régime de transition, le chef de l'opposition Zéphirin Diabré a déclaré: «Il faut voir quel modèle est adapté à la situation et au contexte».

L'opposition exige certes que la direction de la transition revienne à un civil, mais ne semble pas opposée à ce que des militaires participent au nouvel exécutif.

L'ex-parti au pouvoir, le Congrès pour la démocratie et le progrès, réagissant pour la première fois aux événements, a signalé sa «totale disposition à travailler avec les autorités de transition».

Dans l'après-midi, M. Zida a rencontré, au Conseil économique et social où il a installé ses quartiers, les acteurs économiques et les syndicats.

Également reçu, le président du Conseil constitutionnel Dé Albert Millogo, silencieux depuis le début de la crise malgré l'annonce par l'armée vendredi de la suspension de la Constitution et de la dissolution de l'Assemblée nationale, s'est refusé à toute déclaration.

À Ouagadougou, les rues étaient à nouveau pleines de monde mardi. Les vendeurs de rue étaient à pied d'oeuvre sous un soleil de plomb et l'ambiance était détendue.

Lundi, les banques, les écoles et le grand marché de la ville, centre névralgique du commerce, avaient rouvert après presque une semaine de fermeture.

«Le business allait doucement, aujourd'hui ça va mieux», confiait un chauffeur de taxi.

M. Zida a proposé qu'une journée de deuil national soit organisée en hommage aux victimes de la crise. Leur nombre exact reste inconnu: au moins 10 morts et 200 blessés selon des sources médicales, une trentaine de morts selon l'opposition qui réclame une une «commission d'enquête».

La semaine passée, Ouagadougou a connu une insurrection populaire qui a poussé vendredi à la démission le président Blaise Compaoré, après 27 ans au pouvoir. Celui-ci voulait, pour la troisième fois, modifier la Constitution pour se maintenir en poste.

L'armée s'est auto-saisie du pouvoir samedi.