Obéissant aux ordres de ses ravisseurs, une femme de 19 ans qui était captive des combattants de Boko Haram a approché cinq jeunes soldats nigérians en 2013 pour solliciter leur aide, les entraînant dans un guet-apens meurtrier.

Des militants de l'organisation islamiste cachés non loin de là les ont appréhendés avant de les ramener pieds et poings liés dans un camp de fortune où ils ont été égorgés sans ménagement aux cris de «Allah Akbar». Tous sauf un.

«Ils m'ont tendu un couteau pour que je tue le dernier homme. Je tremblais d'horreur et j'en étais incapable. La femme du meneur du camp a pris le couteau et l'a tué», a relaté la jeune captive dans une entrevue menée par Human Rights Watch.

L'organisme de défense des droits de l'homme, qui n'identifie pas les personnes interrogées pour des raisons de sécurité, a recueilli les témoignages d'une trentaine de femmes et de filles ayant réussi à s'échapper après avoir été enlevées et détenues pendant des semaines ou des mois par Boko Haram.

Le rapport qui en résulte jette une lumière crue sur les conditions de vie des otages du groupe terroriste, qui a suscité une vague d'indignation internationale en avril en appréhendant 276 filles dans une école secondaire de l'État de Borno, dans le nord du Nigeria.

La plupart sont des chrétiennes qui affirment avoir été soumises durant leur capture à de fortes pressions pour se convertir à l'islam. L'une d'elles a relaté qu'un dirigeant de Boko Haram lui avait passé la corde au cou, menaçant de la décapiter si elle refusait d'obtempérer.

Le commandant d'un autre camp a menacé de fouetter deux adolescentes qui ne voulaient pas abjurer leur religion. Lorsqu'elles ont finalement plié, elles ont reçu des noms musulmans, des hijabs et un enseignement de base en arabe avant d'être mariées de force à des combattants.

Ces unions forcées étaient souvent suivies d'agressions sexuelles. Une fille de 15 ans a affirmé que l'insurgé désigné comme son mari l'a menacé avec un couteau pour la faire plier.

«Comme je continuais de refuser, il a sorti un fusil et m'a dit qu'il me tuerait si je criais. Il a alors commencé à me violer toutes les nuits», a-t-elle souligné.

Travail forcé

Le travail forcé est une autre forme de mauvais traitement fréquemment rapportée par les ex-otages. Plusieurs des personnes interviewées ont indiqué qu'elles avaient été contraintes de cuisiner, faire le ménage et réaliser des tâches domestiques pour des dirigeants de Boko Haram dans les camps.

L'une d'elles a relaté qu'un jour, elle avait été chargée comme un mulet par les insurgés, qui entassaient sur son dos des vêtements et autres biens volés dans des villages. Au point qu'elle a cru «s'effondrer» sous la charge après des heures de marche.

Une autre jeune femme a affirmé qu'elle avait été forcée de transporter des munitions dans une zone de combat où elle a failli être abattue lors d'une contre-attaque des forces nigérianes.

Selon Human Rights Watch, seule une fraction des anciennes captives de Boko Haram qui ont recouvré leur liberté ont reçu un soutien psychologique à leur retour dans leur collectivité malgré la gravité du traumatisme subi.

La plupart ont déclaré qu'elles vivaient dans la peur d'être enlevées à nouveau. «Bien que je leur aie échappé et que je vive loin de mon village, j'ai toujours peur. Je pense souvent à la mort [...] J'ai des rêves terribles, la nuit», a confié une adolescente de 15 ans.

PHOTO AFOLABI SOTUNDE, ARCHIVES REUTERS

Isaac Rebecca est l'une des otages de Boko Haram qui ont réussi à s'enfuir d'un camp du groupe armé où elles étaient retenues. 

UN LOURD BILAN

Human Rights Watch estime que plus de 4000 civils ont été tués depuis mai 2013 lors d'attaques perpétrées par Boko Haram dans le nord du Nigeria et dans la capitale du pays, Abuja. L'arrestation en juin d'une enfant de 10 ans dont le corps était couvert d'explosifs fait craindre aux autorités que les islamistes cherchent à utiliser des femmes et des enfants pour déjouer plus facilement les contrôles de sécurité, souligne l'organisation de défense des droits de l'homme.