L'opposante rwandaise Victoire Ingabire, condamnée à 15 ans de prison dans son pays, a demandé à la Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) d'ordonner au Rwanda une révision de son procès, a-t-on appris vendredi de sources concordantes.

Mme Ingabire, présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU), formation d'opposition non légalement reconnue par Kigali, avait été condamnée en décembre 2013 pour «conspiration contre les autorités par le terrorisme et la guerre», «minimisation du génocide de 1994» contre les Tutsi et «propagation de rumeurs dans l'intention d'inciter le public à la violence».

Niant les charges retenues contre elle, l'opposante a toujours dénoncé une procédure judiciaire injuste la visant.

Selon un communiqué des FDU, Mme Ingabire demande à la CADHP, basée à Arusha en Tanzanie, «d'ordonner la révision» de son procès, mais aussi «l'abrogation avec effet rétroactif des lois (rwandaises) sur l'idéologie génocidaire, minimisation du génocide et propagation de rumeurs».

À la Cour suprême, en décembre, comme en première instance, affirme le texte, «le procès a été marqué par de nombreuses irrégularités».

Mme Ingabire demande encore à la CADHP d'ordonner au Rwanda sa libération conditionnelle dans l'attente d'un «vrai» procès et de lui «payer des dommages et intérêts suite à la détention arbitraire dont elle a fait l'objet».

Son avocat, Iain Edwards, a confirmé à l'AFP que la demande de sa cliente avait été «déposée». Une source au greffe de la Cour s'exprimant sous couvert d'anonymat a, elle, confirmé sa réception, mais précisé qu'elle n'avait pas encore été «examinée».

À l'étranger lors du génocide de 1994, Victoire Ingabire était revenue dans son pays en 2010, pour se présenter à la présidentielle contre le chef de l'État sortant Paul Kagame.

Elle avait été arrêtée peu de temps après son arrivée, après avoir demandé que les auteurs de crimes contre les Hutu soient aussi jugés. Kigali l'avait accusée d'avoir, par ces propos, nié la réalité du génocide au cours duquel 800 000 personnes selon l'ONU, essentiellement des Tutsi, ont été tuées.

Mise en place en 2006, la CADHP, créée par l'Union africaine, peut ordonner à un État toute «mesure appropriée» pour mettre fin à une violation des droits de l'homme et/ou le versement de compensations ou de réparations financières. Les États ayant ratifié le protocole créant la Cour - parmi lesquels figure le Rwanda - s'engagent à se conformer à ses jugements qui ne sont pas susceptibles d'appel.