Le gouvernement nigérian, qui disait vendredi dernier avoir conclu une trêve avec Boko Haram devant mener à la libération de 200 jeunes femmes enlevées en avril, voit sa crédibilité mise en cause par la poursuite des attaques du groupe islamiste.

L'annonce du cessez-le-feu a été faite par le chef d'état-major de l'armée le jour même où des hommes de l'organisation prenaient d'assaut un village dans le nord de l'État de Borno.

Selon l'Agence France-Presse, au moins 30 personnes ont été tuées lors de cette opération, qui a forcé plusieurs centaines de résidants à s'enfuir vers le Niger.

La BBC rapportait hier que des dizaines de femmes et d'enfants auraient par ailleurs été enlevées samedi dans deux villages de l'État d'Adamawa, dans le nord-est du pays.

Les 200 élèves d'une école secondaire portées disparues en avril avaient été enlevées lors d'une opération similaire menée dans la ville de Chibok.

Dans une vidéo diffusée par la suite, le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, a affirmé qu'il avait l'intention de vendre la plupart d'entre elles «au nom d'Allah» et d'en garder «comme esclaves».

Robert Rotberg, analyste du Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale (CIGI), relève en entrevue que Boko Haram n'a pas confirmé au cours des derniers jours la conclusion d'une trêve.

«Il semble que le gouvernement ait fait flotter cette idée dans le but de donner l'impression qu'il fait des progrès. Ou ils ont vraiment eu l'impression d'avoir conclu une trêve», souligne-t-il.

Un journaliste nigérian a affirmé sur Twitter que l'intermédiaire évoqué par le gouvernement ne faisait pas partie du commandement de Boko Haram et ne pouvait conséquemment «parler en leur nom».

Un coût humain «époustouflants»

Le sort des lycéennes disparues, qui est au coeur d'une campagne de mobilisation internationale, a attiré l'attention sur l'insurrection islamiste. Elle a fait plus de 2000 victimes civiles au cours des six premiers mois de l'année selon un décompte effectué par l'organisation Human Rights Watch.

«Boko Haram mène effectivement une guerre contre la population du nord-est du Nigeria avec un coût humain époustouflant. Les atrocités commises dans le cadre d'une vaste campagne contre des civils constituent des crimes contre l'humanité et les responsables doivent répondre de leurs gestes», soulignait récemment la responsable de l'organisation pour l'Afrique de l'Ouest, Corinne Dufka.

L'incapacité de l'armée nigériane à venir à bout des militants islamistes découle en partie de la corruption qui la mine, souligne M. Rotberg, qui estime que le moral des soldats est à zéro.

«Les officiers s'approprient leur nourriture et leur solde et ils ne reçoivent pas les armes et les munitions dont ils ont besoin. Ils sont mal équipés», souligne l'analyste.

Une meilleure utilisation des renseignements stratégiques fournis par les pays occidentaux qui soutiennent le régime, et d'éventuelles frappes de drones orchestrées par les États-Unis, pourraient permettre de venir à bout de la menace «rapidement», selon lui.

L'attention de l'administration américaine est cependant ailleurs, note M. Rotberg, qui se dit convaincu que la position des jeunes femmes enlevées est connue par le gouvernement nigérian.

«L'armée n'est peut-être pas capable d'aller les chercher ou ne veut pas forcer le jeu par peur des pertes humaines qui pourraient en découler», dit-il.