Vingt-six personnes ont été tuées à l'arme blanche dans la nuit de mercredi à jeudi lors d'une attaque attribuée à des rebelles ougandais sur la ville de Beni, important carrefour commercial de l'Est de la République démocratique du Congo (RDC).

Cette expédition punitive contre une ville d'environ 500 000 habitants inquiète la population du Nord-Kivu et remet en question le discours des autorités congolaises selon lequel les rebelles de l'Alliance des forces démocratiques (ADF) seraient pratiquement défaits, à l'agonie.

L'attaque a eu lieu dans le quartier de Ngadi, à la périphérie nord de Beni, fief de la tribu des Nande et carrefour commercial important de la région des Grands Lacs, par lequel transite notamment beaucoup de bois à destination de l'Ouganda.

Elle s'est produite alors que le chef de la troisième zone de défense, nouvellement créée et qui englobe le Nord-Kivu, le général Léon Mushale, séjourne à Beni avec le général Emmanuel Lombe, nouveau commandant militaire du Nord-Kivu, séjourne depuis plusieurs jours à Beni pour y évaluer la situation.

Il y a eu «26 morts exécutés à l'arme blanche», a indiqué à l'AFP le lieutenant-colonel Olivier Hamuli, porte-parole des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) pour la province du Nord-Kivu, sans confirmer que l'attaque était l'oeuvre des ADF.

Eric Katasomia, journaliste pour la chaîne Radio Télévision Rwanzururu (RTR) a déclaré à l'AFP avoir vu 24 corps sur les lieux de l'attaque en train d'être évacués vers la morgue. Parmi ceux-ci, il a pu identifier un militaire, un enfant et quatre femmes.

Plusieurs corps portaient des traces de blessures à l'arme blanche, a-t-il confirmé.

La Société civile du Nord-Kivu dénonce depuis plusieurs semaines une recrudescence d'attaques meurtrières de l'ADF. L'armée congolaise, soutenue par les Casques bleus de la Mission de l'ONU en RDC (Monusco), leur a pourtant porté des coups sévères depuis le lancement au début de l'année d'une opération destinée à les anéantir.

Selon cette ONG basée à Beni, à une journée de route de Goma, la capitale du Nord-Kivu, les attaques ont d'abord visé des villages isolés de la région, mais sont montées en puissance.

«Grosse baffe»

Dans un communiqué, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA) s'est ému d'une «inquiétante détérioration de la situation sécuritaire» qui touche non seulement Beni, mais plus généralement le Nord-Kivu depuis plusieurs semaines et une bonne partie de l'Est du pays, déchiré par les conflits depuis plus de vingt ans.

«La multiplication des poches d'insécurité dans l'Est du pays risque de priver des milliers de personnes de l'assistance humanitaire dont elles ont besoin pour survivre», ajoute OCHA.

Une source onusienne a déploré  «le manque d'attention» de la force militaire de la Monusco à la situation dans la région de Beni, où, selon un témoin, trois véhicules des Casques bleus auraient été caillassés par des habitants en colère lors de leurs passages dans le quartier de l'attaque.

En début de soirée, la Monusco a publié un communiqué réaffirmant «le soutien total de la Monusco aux autorités locales et nationales dans leurs efforts visant à neutraliser tous les groupes armés dans l'Est de la RDC, y compris l'ADF.»

Parlant sous le couvert de l'anonymat, un expert du Nord-Kivu, estime qu'il ne fait aucun doute que l'ADF est derrière les dernières attaques dans la région de Beni, qui ont fait plus de 50 morts en une dizaine de jours.

Depuis le décès fin août du général Lucien Bahuma, qui commandait l'armée au Nord-Kivu, «il n'y a plus rien qui se passe contre les ADF», et ceux-ci reprennent des forces, ajoute-t-il, notant que ces dernières attaques «sont une grosse baffe pour les FARDC après une opération qu'on pensait finie et pour laquelle il y a eu beaucoup de morts» dans les rangs de l'armée.

Opposée au régime du président ougandais Yoweri Museveni, l'ADF est présente au Nord-Kivu près de la frontière avec l'Ouganda depuis des années.

Visée depuis juillet par des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies, cette rébellion, qui a perdu ses principaux bastions depuis janvier est accusée de nombreux crimes (meurtres, enrôlement d'enfants, enlèvements, pillages...) et de se financer grâce au trafic de bois et d'or.