C'est le matin et on étouffe déjà dans la clinique de Monrovia où affluent les malades d'Ebola. Kendell Kauffeldt explose quand une jeep débarque sans autre forme de procès un nouveau patient devant l'établissement débordé.

«C'est dangereux d'amener des gens comme ça dans des voitures particulières», lâche-t-il alors que cinq personnes sortent du véhicule.

«Le ministère de la Santé a dressé des protocoles. Il y a des numéros à appeler et des ambulances avec des gens formés pour ça et protégés», explique-t-il, furieux de ne pas voir respectées les règles élémentaires pour éviter la contagion.

Directeur pour le Liberia de l'ONG américaine Samaritan's Purse, Kendell Kauffeldt est en première ligne dans la bataille que livre le Liberia frappé par la pire épidémie d'Ebola jamais enregistrée depuis l'apparition du virus en 1976.

Depuis le début de l'année, Ebola a déjà fait quelque 730 morts dans le pays et en Sierra Leone et Guinée voisines. Rien qu'au Liberia, plus de 300 cas ont été enregistrés, dont près de la moitié mortels.

Mais pour M. Kauffeldt et d'autres personnels de santé, ce bilan sans précédent et qui continue de s'alourdir est autant dû à l'ignorance qu'au virus lui-même.

Dans les forêts perdues du Liberia, les populations assistent impuissantes au spectacle terrifiant de la mort de leurs proches, victimes en quelques jours de violentes douleurs musculaires, maux de tête, vomissements, diarrhées et finalement hémorragies fatales.

Un complot des Blancs 

Pourtant, la maladie est relativement difficile à contracter et le virus lui-même n'est pas particulièrement résistant. Il peut être combattu avec du savon et de l'eau chaude et sa transmission nécessite un contact avec des fluides corporels: sang, vomi, salive, sueur ou excréments.

Malgré l'absence de vaccin, les soins -- hydratation, paracétamol contre la fièvre et antibiotiques pour les infections secondaires -- peuvent aider à survivre à un virus dont le taux de mortalité varie entre 25 et 90%.

Mais les communautés isolées entretiennent une profonde méfiance à l'égard de la médecine occidentale, lui préférant souvent la sorcellerie et la magie.

Beaucoup, dans ces pays anciennement colonisés, croient même que la fièvre est un complot ou une invention des Blancs et que l'admission dans un centre de soins est synonyme de mort assurée.

«En raison du déficit de communication et d'éducation, nous voyons arriver des cas d'Ebola en taxi ou dans des voitures de particuliers», se plaint M. Kauffeldt, dont l'unité à l'hôpital ELWA de Monrovia accueille jusqu'à dix nouveaux malades par jour.

«C'est inquiétant car tout le monde y a été en contact avec le patient. Nous devons alors les surveiller pendant 21 jours pour savoir s'ils ont été contaminés», ajoute-t-il.

Accepter la réalité 

Le petit William Benadict, a, lui, été contaminé par sa mère qui a succombé au virus.

«J'étais près de maman quand elle était malade. Quand elle est morte, je suis tombé malade», raconte le garçon de 10 ans alors qu'il se prépare à quitter la clinique, guéri.

Vendredi, les dirigeants des pays les plus touchés ont adopté un plan de 100 millions de dollars contre Ebola.

Une grande partie des fonds ira au déploiement de personnel médical mais il est aussi prévu d'améliorer l'information dans les zones de forte contamination autour desquelles un cordon sanitaire va être imposé.

Peter Coleman, qui préside la Commission Santé du Sénat libérien, explique que la pauvreté endémique représente un obstacle important à la diffusion d'une information sérieuse.

«La plupart des Libériens n'ont pas la radio. Dans les villages, rares sont ceux qui peuvent recevoir des messages par ce biais», dit-il, prônant «une campagne de village à village, communauté à communauté, localité à localité, et même porte-à-porte».

Pour Samaritan's Purse aussi, dont deux expatriés ont contracté la maladie et se trouvent dans un état grave mais stable, l'éducation est aussi importante que la médecine elle-même pour sauver des vies.

«Nous devons accepter la réalité d'Ebola. Des gens meurent d'Ebola alors qu'ils ne devraient pas», regrette M. Kauffeldt.

«S'ils viennent se faire soigner suffisamment tôt, ils survivront», dit-il