Au moins 42 personnes ont été tuées mercredi à Kaduna, une ville du nord du Nigeria, dans deux attentats successifs visant un dignitaire musulman très critique de Boko Haram et un ancien chef de l'État, déjà menacé plusieurs fois par le groupe islamiste, et qui sont sortis indemnes des deux explosions.

Boko Haram a encore intensifié ces dernières semaines le rythme effréné de ses attaques au Nigeria, multipliant les massacres de civils, les attentats sanglants et les enlèvements dans son fief du Nord-Est mais aussi dans le reste du pays.

A Kaduna, un kamikaze a été à l'origine mercredi de la première explosion, survenue vers 12h30, qui visait le convoi de Sheikh Dahiru Bauchi, dignitaire musulman ayant souvent condamné publiquement le groupe islamiste armé Boko Haram, a indiqué la police.

«Il y a 25 morts confirmés» dans ce premier attentat, a déclaré le chef de la police de Kaduna, Umar Shehu, à l'AFP.

M. Bauchi, qui parcourait la rue Isa Kaita à bord d'un véhicule décapotable pour saluer les fidèles, n'a pas été touché, mais son convoi a été éclaboussé par le sang des victimes, a rapporté Mustapha Sani, un témoin.

Environ deux heures plus tard, un deuxième attentat a tué au moins 17 personnes dans le quartier animé de Kawo, en périphérie de Kaduna, un endroit abritant plusieurs marchés et de nombreux arrêts de bus, proche d'une caserne militaire.

L'ancien dictateur militaire et actuel chef de l'opposition Muhammadu Buhari, qui a dirigé le Nigeria entre 1983 et 1985, confirme avoir été visé par l'attentat de Kawo, dont il est sorti indemne.

La bombe provenait «d'un véhicule roulant à vive allure», a expliqué M. Buhari dans un communiqué. «Quand nous avons atteint le marché de Kawo, il a profité qu'on ralentisse pour tenter de percuter ma voiture et il a tout de suite déclenché la bombe, qui a détruit les trois véhicules de mon convoi», a-t-il poursuivi.

Ces deux attentats n'ont pas été revendiqués par Boko Haram dans l'immédiat. Mais le groupe islamiste, qui revendique la création d'un État islamique dans le nord du pays - majoritairement musulman - a déjà tenté d'assassiner plusieurs dignitaires religieux accusés de se soumettre à l'autorité du gouvernement fédéral, actuellement dirigé par le président Goodluck Jonathan, un chrétien du Sud.

Aussi, M. Buhari a été menacé à plusieurs reprises par Abubakar Shekau, le chef de Boko Haram, dans des vidéos publiées par le groupe islamiste.

Couvre-feu immédiat 

Le gouverneur de l'État de Kaduna a imposé mercredi en fin de journée un couvre-feu immédiat de 24 heures dans la ville pour «empêcher des troubles de l'ordre public».

Kaduna a été relativement épargnée par Boko Haram depuis un an. Mais des attentats suicide contre des églises, attribués au groupe islamiste en 2012, avaient marqué le début de violents affrontements intercommunautaires faisant des centaines de morts.

En dépit du lancement d'une vaste offensive militaire en mai 2013 et de l'instauration de l'état d'urgence dans trois États dans le nord-est du pays, pour tenter de mettre fin à cinq ans d'insurrection islamiste ayant fait plus de 10 000 morts, on assiste à une flambée de violence de la part de Boko Haram.

Le groupe extrémiste a détruit des villages entiers dans le nord-est, massacrant des civils sans défense, et mené des attaques contre de grandes villes.

Abuja, la capitale du Nigeria - premier pays producteur de pétrole en Afrique - a été la cible de trois attentats sanglants en trois mois, et un double attentat a fait 118 morts à Jos, capitale de l'État de Plateau (centre) en mai.

Selon Human Rights Watch, il y a déjà eu 95 attaques qui ont fait au moins 2053 victimes civiles en 2014 -- d'autres organisations évoquant même des bilans plus importants.

Le président Goodluck Jonathan, qui a dénoncé mercredi soir les attaques «odieuses» contre «ces importants leaders politique et religieux par des terroristes», a promis aux Nigérians que le gouvernement allait «continuer à intensifier ses efforts en cours pour éradiquer la menace terroriste dans le pays».

Les élections approchant, M. Jonathan, déjà très critiqué pour n'avoir pas su juguler l'insurrection islamiste et pour avoir tardé à réagir suite à l'enlèvement, mi-avril, de plus de 200 lycéennes à Chibok, dont on est toujours sans nouvelles plus de trois mois plus tard, est de plus en plus sous pression.