Engins mécaniques à l'ouvrage, survivants errant dans les ruines à la recherche d'effets personnels: le quartier d'El Hank, à Casablanca, offrait lundi des scènes dignes d'un lendemain de tremblement de terre, après l'effondrement d'immeubles ayant fait 23 morts.

La veille, au troisième jour de recherches, le bilan a dramatiquement augmenté, passant de huit à 23 victimes décédées. Environ 55 personnes ont en outre été blessées, dont une quinzaine restaient hospitalisées.

Selon le colonel Ghadouani Abdelali, responsable de la protection civile, les familles ne signalent plus de disparu et les secours ne pensent plus retrouver d'autre victime sous les gravats. «Mais ça n'empêche pas de continuer des recherches, au moins jusqu'à cette nuit», a-t-il dit.

Les trois immeubles se sont effondrés comme un château de cartes dans la nuit de jeudi à vendredi. Trois jours plus tard, le calme semble revenu, au milieu d'un décor de désolation.

Plusieurs habitations voisines ont été évacuées en raison d'un risque «d'effet domino», qui a déjà fait s'affaisser un 4e édifice durant le week-end.

Sous le regard de badauds retenus par des barrières, des habitants parfois hagards tentent de récupérer dans le calme des effets personnels, tandis que des tractopelles se chargent du déblaiement.

«Tous responsables»

Parmi eux, le fils d'un propriétaire, décédé à 89 ans dans le drame, qui accuse d'une voix ferme.

«La maison de mon père est à l'origine de tout ça. Il avait donné de l'argent pour pouvoir construire un 4e et un 5e étages. Si c'était dangereux, les autorités n'avaient qu'à interdire. C'est un crime», proclame-t-il.

Jeudi soir, «des portes ne fermaient plus et la maison commençait à se déformer», raconte-t-il. Selon des habitants, des travaux étaient en cours dans un logement du rez-de-chaussée.

«Nous sommes tous responsables car nous avons tous vu des habitants ajouter un 4e et un 5e étages, mais nous n'avons rien dit», enchaîne Abderrahim Gouti, un voisin dont l'immeuble a été évacué.

À proximité, Abdelali Saber, la trentaine, blessé dans l'effondrement, n'a peut-être dû son salut qu'à son téléphone portable, qui lui a permis d'appeler à l'aide des amis avant même l'arrivée des secours.

Une actrice, Amal Maarouf, a eu moins de chance: son corps sans vie a été retrouvé dimanche, ainsi que celui de sa mère.

Au-delà d'une éventuelle lenteur des secours - qui ont dû interrompre plusieurs fois leurs recherches faute de matériel adéquat -, la presse revenait lundi sur la question lancinante des logements insalubres de Casablanca, capitale économique de cinq millions d'âmes.

En 2012, après un drame similaire ayant fait plusieurs morts, le ministère de l'Habitat avait estimé qu'entre 4000 et 7000 logements menaçaient de s'effondrer dans la ville.

Les programmes de réhabilitation et de nouveaux logements qui ont été lancés ne résolvent pas le problème.

«Ingrédients funestes»

«Pourquoi des autorisations pour la construction de maisons avec un ou deux étages donnent-elles lieu plutôt à quatre ou cinq?», s'interrogeait Aujourd'hui Le Maroc dans un éditorial intitulé «Plus jamais ça!».

«Vétusté, manque d'entretien, corruption, ignorance et laisser-aller forment une liste d'ingrédients funestes», ajoutait le journal.

«Une bombe à retardement» et «un secret de polichinelle», dénonçait L'Economiste.

Une enquête a été ouverte et les autorités ont promis des sanctions. L'entrepreneur qui réalisait les travaux en cours a été interpellé dès ce week-end et placé en détention. Il a été présenté lundi après-midi devant un juge d'instruction, a-t-on appris de source proche de l'enquête.

Mais pour Abdelilah Gouti, frère d'Abderrahim, l'urgence est surtout de «trouver un toit pour tous».

À la demande du roi Mohammed VI, 23 familles ont été relogées.

«Nos femmes ont été logées dans un hôtel, mais nous, on nous a demandé de rester pour aider. Aujourd'hui lundi, nous sommes à la rue», confie Abdelilah. «Ensuite, avec l'enquête, viendra le temps de punir les responsables».