Déclaré vainqueur dans la nuit de la présidentielle au Malawi, l'ancien ministre des Affaires étrangères Peter Mutharika a été investi samedi matin, bien que la commission électorale elle-même ait reconnu d'importantes irrégularités dans le scrutin du 20 mai.

Peter Mutharika, 74 ans, est le frère de l'ancien président Bingu wa Mutharika, décédé en avril 2012. Il est arrivé largement en tête de cette élection à un tour avec 36,4 % des voix, battant nettement la présidente sortante Joyce Banda (20,2 %).

Le nouveau président a promis qu'il n'y aurait pas de chasse aux sorcières.

«Une réconciliation est nécessaire. Nous devons faire de ce pays une seule nation», a-t-il déclaré à la presse, peu après la cérémonie d'investiture à Blantyre.

«Il est clair que nous sommes confrontés à de sérieux problèmes dans ce pays (...) qui est presque sur le point de s'effondrer», a-t-il relevé.

La plupart des économistes attribuent pourtant en grande partie le piètre état de ce petit pays pauvre d'Afrique australe, où près de la moitié de la population vit avec moins d'un dollar par jour, à la calamiteuse gestion de son frère aîné, dont il était le bras droit. À la mort de Bingu wa Mutharika en 2012, les magasins étaient souvent vides, les stations-service à sec, et le Malawi, boudé par les bailleurs de fonds, manquait cruellement de devises.

Peter Mutharika a indiqué samedi qu'il s'emploierait à réduire la dépendance du pays envers les bailleurs de fonds occidentaux, avec qui les relations ont été tumultueuses ces dernières années.

S'il n'a pas dit comment il s'y prendrait, le nouveau président a noté qu'il entendait courtiser de «nouveaux amis», comme la Chine et le Brésil.

Ce professeur de droit ayant vécu une trentaine d'années aux États-Unis a occupé plusieurs postes dans le gouvernement de son frère entre 2009 et 2012, au moment où celui-ci était fustigé pour sa dérive autoritaire.

Président inculpé de haute trahison 

Il se préparait depuis longtemps à devenir chef de l'État. Le Parti démocratique progressiste (DPP) l'avait choisi dès 2010 pour succéder à son aîné. Mais la mort subite de ce dernier a contrarié ses plans, puisque le pouvoir est automatiquement passé à Joyce Banda, la vice-présidente, bien qu'elle fût passée dans l'opposition.

Même si son arrivée au pouvoir devrait lui permettre d'échapper à la justice, Peter Mutharika a été inculpé de haute trahison pour avoir alors tenté d'empêcher Mme Banda d'accéder à la présidence.

La présidente sortante a reconnu sa défaite samedi. Victime du mécontentement des plus pauvres affectés par une forte dévaluation de la monnaie nationale, d'un scandale de corruption qui a à nouveau fait fuir les donateurs étrangers et d'une faible implantation sur le terrain, elle est arrivée troisième.

«Même si ces élections ont été tendues, je voudrais exhorter tous les Malawites (...) à rester unis, à respecter la loi et à rester pacifiques et calmes», a-t-elle déclaré.

Mme Banda avait pourtant dénoncé de «sérieuses irrégularités» et tenté en vain d'annuler le vote avant la proclamation des résultats.

Elle n'a pas reparlé des fraudes samedi. «Je suis heureuse que le peuple malawite sache que je ne mentais pas quand j'ai estimé que cette élection était frauduleuse», a-t-elle cependant dit à des journalistes, selon le quotidien Nyasa Times.

Les observateurs étrangers n'ont pas observé de fraudes massives, mais le scrutin et le dépouillement ont été particulièrement chaotiques. La commission électorale elle-même a constaté des irrégularités dans certains bureaux de vote où l'on a compté plus de bulletins que d'inscrits, mais estimé qu'elles n'étaient pas assez importantes pour changer la donne.

Alors que la commission électorale était prête à tout recompter, la justice l'a obligée vendredi soir à publier les résultats dans les huit jours comme l'exige la loi - c'est-à-dire avant vendredi minuit, les derniers électeurs ayant voté jeudi 22 mai.

Peter Mutharika a en conséquence été déclaré vainqueur et investi dans la foulée.

Les résultats peuvent toutefois être contestés devant la Haute Cour. Le parti de l'ancien dictateur Kamazu Banda, dont le candidat Lazarus Chakwera est arrivé deuxième avec 27,8 % des voix, a prévenu qu'il déposerait un recours.

La commission électorale annoncera lundi le résultat des législatives, qui étaient couplées à la présidentielle.