L'ex-rébellion Séléka vient de se réorganiser en Centrafrique, avec pour objectif affiché de reprendre en main des combattants hors de contrôle, mais les autorités soupçonnent ce mouvement affaibli et divisé de nourrir des projets «sécessionnistes», avec à la clé la création d'un État musulman dans le Nord.

Six mois après sa débâcle qui s'est soldée par la démission contrainte le 10 janvier de Michel Djotodia, premier président musulman de Centrafrique qu'elle porta au pouvoir à Bangui le 24 mars 2013, l'ex-coalition Séléka, composée de mouvements armés hétéroclites en débandade, essaie de refaire son unité alors que certains de ses «généraux» ont perdu toute autorité sur leurs combattants.

Pour l'ex-coalition à dominante musulmane, cela s'est traduit à la mi-mai par la formation d'un nouvel état-major, lors d'une réunion à Ndélé (nord-est) qui a ensuite pris ses quartiers à Bambari (centre), donnant lieu la semaine dernière à deux accrochages avec les soldats français de l'opération Sangaris présents dans la ville.

L'arrivée massive de combattants Séléka a également éveillé les craintes de la population dans cette ville jusqu'à présent épargnée par les violences intercommunautaires entre chrétiens et musulmans qui ont plongé le pays dans le chaos.

Mais les autorités de transition, censées organiser des élections générales en 2015, et la classe politique voient derrière cette restructuration un projet de partition du pays, l'ex-Séléka se repliant sur ses fiefs traditionnels du Nord-Est dont sont issus la plupart de ses chefs.

«Je voudrais dire à ceux qui mûrissent ce projet funeste que la RCA ne cédera aucun pouce de son territoire», a averti la présidente de transition Catherine Samba Panza, qui a succédé à Michel Djotodia et bénéficie d'un fort soutien international.

Le premier ministre André Nzapayéké a, lui, «condamné avec force les velléités sécessionnistes des aventuriers qui placent leurs intérêts égoïstes au-dessus de l'intérêt national».

«Aucune justification ne peut être donnée à ces agissements si ce n'est l'amorce de la partition du pays au profit d'extrémistes bien connus», s'est insurgé Alexandre-Ferdinand Nguendet, président du Conseil national de transition (CNT, parlement transitoire).

«On est contre la partition»

Les dirigeants de l'ex-rébellion se défendent avec véhémence d'avoir de telles intentions.

«On considère que la partition est une mauvaise idée. (...) On est contre la partition, c'est écrit noir sur blanc», a assuré à l'AFP Éric Massi, membre de la nouvelle direction du mouvement.

Pour le nouveau coordonnateur politique de l'ex-Séléka, le «général» Abdoulaye Hissène, le mouvement a voulu mettre en place une chaîne de commandement, car «seule une chaîne de commandement pourrait ramener l'ordre au sein de l'ex-Séléka en attendant la mise en route du programme DDR» (Démobilisation, désarmement, réinsertion) des combattants.

Car, de facto, l'ex-Séléka est en mauvaise posture sur le terrain. Le déploiement progressif en province des forces internationales française (SANGARIS) et africaine (MISCA) les contraint à abandonner du terrain, ce qui donne lieu régulièrement encore à des exactions contre les populations.

Les combattants Séléka sont en outre régulièrement attaqués par les milices chrétiennes anti-balaka, qui elles aussi se livrent à des exactions contre les civils, soumis à un calvaire depuis plus d'un an.

Et inexorablement, ils regagnent le nord-est de la Centrafrique, zone de non-droit depuis des lustres où ils se sont taillé des fiefs qu'ils dirigent à leur guise.

Surtout, la communauté internationale, via le Conseil de sécurité de l'ONU qui va déployer en septembre 12 000 Casques bleus et une importante mission civile, entend aider à restaurer l'État centrafricain.

Or, le retour d'une véritable administration, s'appuyant sur des forces de sécurité, compromettrait grandement l'avenir des combattants Séléka.