L'ANC a perdu de son lustre depuis la victoire de Nelson Mandela en 1994, mais le parti au pouvoir en Afrique du Sud devrait remporter haut la main les élections législatives de mercredi, malgré la déception de millions d'électeurs.

Plus de 25,3 millions de Sud-Africains sont appelés aux urnes pour élire 400 députés, qui eux-mêmes désigneront le prochain président le 21 mai.

Jacob Zuma, 72 ans, au pouvoir depuis les élections de 2009, devrait être reconduit.

Les sondages donnent tous un peu plus de 60% des voix à l'ANC qu'il dirige, une ample victoire, mais moins que les 65,9% réalisés il y a cinq ans.

L'Afrique du Sud est un «meilleur endroit pour vivre qu'en 1994», à la fin du régime ségrégationniste de l'apartheid, a martelé le parti pendant la campagne. «Nous avons une bonne histoire à raconter.»

De fait, beaucoup de progrès ont été accomplis ces vingt dernières années. 96% des ménages ont maintenant accès à l'eau potable contre 62% en 1994, 87% à l'électricité contre 58%, le taux de criminalité --effrayant-- a baissé, il y a moins de bidonvilles, une classe moyenne noire a émergé.

Mais l'Afrique du Sud post-apartheid est restée un pays profondément inégalitaire, où les Blancs gagnent en moyenne six fois plus que les Noirs, où ils sont moins frappés par le chômage (moins de 7% contre plus de 28%), où ils ont toujours un meilleur accès à une éducation qui reste déplorable pour la majorité.

Avec une croissance moyenne de 3,3% ces vingt dernières années --et beaucoup moins ces derniers temps--, l'Afrique du Sud est loin des 6 à 7% jugés nécessaires pour créer des emplois pour ses millions de chômeurs.

Même si le gouvernement Zuma a beaucoup fait pour déployer le plus grand programme de distribution d'antirétroviraux du monde, les errements de son prédécesseur Thabo Mbeki, qui niait le problème du sida, ont eu des effets dévastateurs durables. Alors qu'un Sud-Africain sur huit est séropositif, l'espérance de vie a baissé de 62 à 56 ans en vingt ans.

Faites-le pour Mandela

Le premier quinquennat du président Zuma a été marqué par plusieurs scandales, le dernier en date étant la rénovation de sa résidence privée de Nkandla (est) aux frais du contribuable. Surtout, le chef de l'État a pour beaucoup du sang sur les mains depuis que sa police a ouvert le feu sur des grévistes à la mine de Marikana (nord) en août 2012, faisant 34 morts.

Les quartiers pauvres sont régulièrement secoués par des émeutes. Mais pour de très nombreux Noirs sud-africains --80% de la population--, l'ANC reste le parti qui les a délivrés de l'apartheid.

Le parti dominant a récupéré l'image de son plus illustre militant Nelson Mandela, décédé en décembre. «Suivons ses pas», exhortent de vastes pages de publicité. «Faites-le pour Madiba, votez ANC», demandent des affiches de l'allié communiste, appelant le héros national de son nom de clan.

Dans l'opposition, l'Alliance démocratique (DA, libérale) devrait gagner du terrain, avec un peu plus de 20% des voix selon les sondages.

Son image de «parti de Blancs» --volontiers brocardée par l'ANC--, lui colle à la peau, mais elle a réussi à fédérer les autres minorités, indienne et métisse, et s'attaque à l'électorat noir avec de jeunes dirigeants ambitieux.

«Nous exigeons le changement, moins de corruption, de meilleurs services et plus d'emplois!», a résumé sa dirigeante Helen Zille.

De l'autre côté de l'échiquier politique, on observera le score des Combattants pour la liberté économique (EFF) du jeune tribun populiste Julius Malema. Les sondages lui donnent de 4 à 5% des voix.

Rouvrant un débat de fond que la réconciliation des années Mandela avait étouffé, il a repris le programme qu'il défendait lorsqu'il était à la tête des jeunes de l'ANC, avant d'en être exclu en 2012: redistribution des richesses, nationalisation des mines et des banques et saisie des terres exploitées par les fermiers blancs.

Ses affiches appellent à «restaurer la dignité de la majorité noire oppressée».

Les élections législatives sud-africaines sont couplées mercredi à des élections régionales, qui devraient voir l'ANC garder ses huit provinces, la DA conservant la neuvième, celle du Cap (sud-ouest).

Les bureaux de vote seront ouverts mercredi de 7h à 21h (1h à 15h heure de l'Est).