Le président sud-africain Jacob Zuma a demandé lundi à l'archevêque anglican Desmond Tutu, très critique envers l'actuel pouvoir, de ne pas se mêler de politique, à l'avant-veille des élections législatives et provinciales.

«Je pense que les évêques et les pasteurs sont là pour prier pour ceux qui sont sur le mauvais chemin, pas pour se mêler de la vie politique», a déclaré Jacob Zuma devant la presse, quelques jours après une fracassante conférence de presse du prix Nobel de la paix, qui avait affirmé qu'il ne voterait pas pour le parti au pouvoir, l'ANC, et avait mis en doute la valeur des dirigeants sud-africains.

Jacob Zuma a semblé oublier que tous les grands rassemblements du parti au pouvoir, y compris le rassemblement qui a réuni près de 100 000 personnes dimanche à Soweto, sont précédés de prières conduites par des religieux des différentes confessions du pays, qui n'hésitent jamais à souhaiter le meilleur à l'ANC.

Desmond Tutu, dans son intervention pré-électorale, avait évoqué Nelson Mandela et d'autres grands noms de la lutte contre le régime ségrégationniste de l'apartheid, ajoutant perfidement à l'attention des dirigeants actuels : «Nous devons admettre qu'ils ne sont pas très nombreux, les successeurs de ces leaders qui leur arrivent à la cheville. Mais leurs chevilles étaient hautes!»

Les relations entre Jacob Zuma et Desmond Tutu ont été tendues ces dernières années, notamment lorsque le gouvernement a refusé un visa en 2011 au dalaï-lama, qui était invité aux 80 ans de l'archevêque.

Par ailleurs, Desmond Tutu ne rate jamais une occasion de fustiger les inégalités et la pauvreté persistantes dans le pays et d'en accuser l'ANC, qui gouverne l'Afrique du Sud depuis la fin de l'apartheid en 1994.

«Ils ont violé ma femme»

Le président Zuma a évoqué lundi le viol de l'une de ses épouses il y a plusieurs années pour justifier les travaux de rénovation et de «sécurité» effectués dans sa résidence privée aux frais du contribuable, à l'origine d'une polémique qui a animé la campagne électorale.

À deux jours des élections législatives de mercredi, alors que ce scandale empoisonne la vie politique depuis des mois, le chef de l'État a donné cette explication pour la première fois.

«Des criminels sont venus, ils ont violé ma femme», a-t-il simplement dit devant la presse lundi, affirmant que l'affaire, qui remonte à plusieurs années avant son accession à la présidence en 2009, avait été traitée par la police et que les coupables avaient été «arrêtés, jugés et condamnés».

Les travaux dans sa maison de Nkandla, dans la province du KwaZulu-Natal (est), ont coûté 15 millions d'euros (près de 23 millions de dollars) à l'État. Dans un rapport explosif, la médiatrice de la république a dénoncé la dépense, affirmant qu'une grande part du chantier relevait de la rénovation et de l'amélioration de la résidence, et non strictement de la sécurité.

Le président, aujourd'hui âgé de 72 ans, n'a pas précisé laquelle de ses épouses avait été la victime du viol. À l'époque, il était marié à quatre femmes. Depuis cette date, l'une s'est suicidée et une autre a divorcé, mais il s'est remarié à deux autres femmes entretemps.

Interrogé sur les dépenses excessives pour bâtir notamment une piscine, un amphithéâtre, un enclos à bétail et un poulailler, le président a répliqué lundi : «Pourquoi devrais-je être poursuivi si quelqu'un a gonflé des factures? (...) Je ne crois pas que Nkandla soit de nature à affecter les électeurs de l'ANC», a-t-il ajouté, confiant, alors que les sondages accordent plus de 60 % des intentions de vote à son parti.