Le chef des opérations humanitaires de l'ONU au Soudan du Sud a appelé mardi à une trêve pour éviter la disette dans le pays, alors qu'à Addis Abeba, les belligérants étudiaient séparément les modalités des négociations rouvertes la veille.

Plus d'un million de Sud-Soudanais ont été chassés de chez eux par le conflit qui ravage le jeune pays depuis mi-décembre, malgré un cessez-le-feu signé le 23 janvier et jamais respecté. L'ONU a récemment prévenu que la famine y menaçait plus d'un million de personnes.

«J'appelle toutes les parties au conflit au Soudan du Sud à observer un mois de tranquillité ce mois de mai (...) moment le plus crucial de l'année», a lancé Toby Lanzer.

«Un mois sans violence va permettre aux gens de semer et cultiver (...) il ne reste que mai pour permettre aux gens de préparer leurs champs et tenter d'avoir une récolte à la fin 2014», a-t-il poursuivi, soulignant que «l'insécurité alimentaire menace sept millions de personnes» à travers le pays.

Moins de trois ans après son indépendance en juillet 2011, le Soudan du Sud - né sur les décombres d'un des plus longs conflits africains, qui a opposé de 1983 à 2005 Khartoum à la rébellion sudiste désormais au pouvoir à Juba - a replongé depuis la mi-décembre dans la guerre, sur fond de rivalités au sein du régime entre le président Salva Kiir et son ancien vice-président Riek Machar.

Des pourparlers pour trouver une issue politique au conflit se sont rouverts lundi à Addis Abeba, mais aucun dialogue direct n'a encore eu lieu entre les deux camps, selon des sources proches des délégations.

Les deux parties étaient penchées mardi, chacune de leur côté, sur un projet d'ordre du jour des discussions, soumis par la médiation.

«Les médiateurs nous ont remis un document (...) pour lequel nous désirons des clarifications», a expliqué à l'AFP le ministre sud-soudanais de l'Information Michael Makuei, qui dirige la délégation gouvernementale sud-soudanaise, «il s'agit d'un nouvel ordre du jour».

Doutes sur la sincérité des négociations

Le porte-parole de la délégation rebelle, Musa Pouk, a de son côté indiqué que ses membres avaient «discuté (entre eux) des propositions (des médiateurs) et changé quelques mots». Les deux délégations ont indiqué qu'elles devaient rencontrer les médiateurs dans l'après-midi.

Les négociations entamées début janvier n'ont jusqu'ici connu aucune avancée concrète. Une première phase avait péniblement accouché le 23 janvier d'un cessez-le-feu, jamais respecté. La deuxième phase, lancée mi-février et déjà suspendue deux fois, s'est jusqu'ici réduite à des querelles entre délégations, dans des hôtels de luxe d'Addis Abeba, sur les modalités des discussions.

Aucune question de fond n'a encore été abordée et les observateurs doutent de la sincérité des belligérants.

Le secrétaire d'État américain John Kerry est attendu mercredi soir à Addis Abeba dans le cadre d'une tournée africaine.

Il doit discuter avec les autorités éthiopiennes «des efforts en cours pour faire avancer la paix» dans la région et pourrait réitérer auprès des belligérants les pressions de Washington, soutien indéfectible de la rébellion sudiste entre 1983 et 2005 et parrain de l'indépendance du Soudan du Sud.

«La situation au Soudan du Sud, les violences horribles dont nous avons été témoins, représenteront une part importante des discussions durant son voyage africain», a simplement indiqué lundi Jen Psaki, porte-parole du département d'État.

Les combats entre troupes loyales à M. Kiir et celles fidèles à M. Machar s'accompagnent de massacres entre Dinka et Nuer, les deux principales communautés du pays, dont sont respectivement issus les deux hommes et que divisent de vieux antagonismes plongeant pour partie leurs racines dans la guerre contre Khartoum.

«La situation est très grave et des massacres de représailles sont à craindre», a déclaré lundi soir à Juba la Haute-Commissaire de l'ONU au droits de l'homme, Navi Pillay, chargée par le Conseil de sécurité d'enquêter sur les récentes exactions.

Accompagnée d'Adama Dieng, conseiller spécial sur la prévention du génocide auprès du secrétaire général de l'ONU, elle a rencontré le président Kiir et le ministre des Affaires étrangères Barnaba Marial Benjamin, selon l'ONU.

Mardi, elle s'est rendue à Bor (est), où une base de l'ONU a été attaquée le 17 avril et une cinquantaine de civils réfugiés à l'intérieur abattus. Elle devait ensuite se rendre à Nasir (nord-est), zone tenue par les forces de Riek Machar, pour y rencontrer des chefs rebelles.