Les Algériens votaient jeudi pour élire leur président lors d'un scrutin a priori sans surprise, le sortant Abdelaziz Bouteflika, qui a voté en fauteuil roulant, apparaissant comme le favori.

M. Bouteflika, souriant, est arrivé à l'école Bachir El Ibrahimi à El Biar, sur les hauteurs d'Alger, entouré de deux de ses frères, dont Saïd, son conseiller spécial à qui l'on prête d'immenses pouvoirs, et d'un jeune neveu.

Il a salué la presse de la main avant de se rendre dans l'isoloir, accompagné d'un homme. Il s'est ensuite laissé photographier avant de glisser son bulletin dans l'urne, puis est parti sans faire de déclaration.

Les bureaux de vote doivent fermer à 19 h (14 h, heure de Montréal) et les résultats doivent être proclamés officiellement vendredi.

Des incidents ont émaillé l'élection notamment à Bouira, au sud-est d'Alger, où des heurts entre gendarmes et habitants hostiles au vote ont fait une quarantaine de blessés.

Après avoir entretenu un certain suspense, la presse semblait se résigner à une reconduction de M. Bouteflika pour un quatrième mandat de cinq ans.

Le quotidien El Watan a parlé d'un «scrutin dénué de crédibilité», dénonçant la fraude qui «a toujours régné sur les élections algériennes».

Pour Liberté, «les véritables manoeuvres commenceront au lendemain du 17» avril, le scrutin en lui-même étant «dénué d'enjeux réels».

Conjurer le mauvais sort

Sur le terrain, plus de 260 000 policiers et gendarmes ont été déployés pour assurer la sécurité de près de 23 millions d'électeurs appelés à voter dans 50 000 bureaux en faveur de l'un des six candidats, dont l'ex-premier ministre Ali Benflis et une femme, la députée trotskyste Louisa Hanoune.

À Alger, certains policiers étaient armés de kalachnikov ou de fusils à pompe et un hélicoptère tournoyait dans le ciel bleu de la capitale. Une tentative de manifestation d'opposants a été vite étouffée.

À Rais, un village de la banlieue d'Alger victime de l'un des pires massacres des années 1990, les électeurs ont expliqué choisir la stabilité et la paix.

Redouane, 44 ans, a ainsi voté sans grande conviction: «C'est juste une façon de conjurer le mauvais sort», car «j'ai peur de l'instabilité, de revivre l'horreur».

Arrivé au pouvoir en 1999, M. Bouteflika a été l'un des artisans de la réconciliation après la guerre civile.

À 77 ans, il souffre désormais de séquelles d'un AVC subi il y a un an ayant réduit ses capacités d'élocution et de mobilité, et n'a pas mené lui-même campagne.

«La fraude a déjà commencé»

Son passage au bureau de vote constitue sa première apparition publique depuis mai 2012. Ce jour-là, il avait laissé envisager une succession ouverte en déclarant que sa génération avait «fait son temps».

Mais le 22 février dernier, il a finalement annoncé sa décision de se représenter sur fond de profondes divergences au sein de l'armée, qui joue un rôle politique majeur, et malgré les doutes sur ses capacités à diriger le pays.

M. Bouteflika a exhorté mardi les Algériens à se rendre aux urnes. Le taux de participation sera en effet un des enjeux de la consultation. À 14 h (9 h à Montréal), il était de 23,25 %.

À la présidentielle de 2009, la participation était officiellement de 74,11 %. Un câble de l'ambassade américaine à Alger révélé par WikiLeaks l'avait cependant estimé entre 25 et 30 %.

Une coalition de cinq partis d'opposition a appelé à boycotter le scrutin, plaidant en faveur d'une «transition démocratique», tandis que le mouvement Barakat («Ça suffit»), hostile à un quatrième mandat, a estimé que cette élection était «un non-événement».

Outre la participation, c'est la fraude qui fait débat, après les récentes révélations d'un ancien wali (préfet) confirmant que cette pratique avait bien lieu.

«Pourquoi voter?», se demande Khadidja, 82 ans, rencontrée dans le centre où venait de voter Ahmed Ouyahia, directeur de cabinet de M. Bouteflika.

«Si j'avais ma carte d'électrice, je donnerais ma voix à Ali Benflis. Mais avec la fraude... Peut-être que ma voix va aller à Bouteflika. Comment je peux savoir?» dit-elle encore.

Principal rival de M. Bouteflika et connaisseur des affaires du sérail, M. Benflis a fait de la fraude un thème majeur.

«La fraude a déjà commencé», a-t-il même affirmé après avoir voté à Hydra, sur les hauteurs d'Alger.