La population de Bangui était partagée entre espoir et lassitude quelques heures avant le vote d'une résolution cruciale à l'ONU, autorisant le déploiement de quelques 12 000 Casques bleus en Centrafrique.

La France soumettra au Conseil de sécurité de l'ONU jeudi à 10h00 locales un texte prévoyant l'envoi de 10 000 soldats et 1800 policiers qui formeront la Minusca (Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation des Nations unies en République centrafricaine).

«Il faudra une force neutre pour pouvoir aider les Centrafricains à faire la paix, à se réconcilier et à favoriser le travail des humanitaires», espère Hilaire Gbango, cadre dans une banque.

Pour un commerçant, Brice Ngonda, les forces déjà présentes sur le terrain ont «un esprit partisan». Il y a «une sorte de rapprochement entre Français et chrétiens par exemple, ou entre Tchadiens et musulmans, et cela comporte de gros risques» juge-t-il, illustrant bien la défiance à l'égard de Sangaris et de la Misca, régulièrement accusées de prendre partie pour un camp ou pour l'autre.

«La Misca devrait être composée de soldats d'Afrique de l'Ouest et de l'Europe. Pas un seul pays d'Afrique centrale ne devrait contribuer à la Misca», affirme Brice Ngonda.

Les Casques bleus - dont le déploiement est fixé au 15 septembre - devront assurer la relève des 6000 hommes de la Misca présents sur place aux côtés de 2000 militaires français.

D'ici là, les Européens ont promis de leur côté 800 hommes, dont les premiers éléments - des gendarmes mobiles français - ont commencé mercredi à patrouiller dans Bangui, encadrés par les soldats français de l'opération Sangaris.

La résolution autorise les soldats français à prêter main forte à la Minusca en employant «tous les moyens nécessaires».

La Minusca aura pour objectifs la protection des civils et des convois humanitaires, le maintien de l'ordre, le soutien à la transition politique et le respect des droits de l'homme.

Il s'agira d'une des plus grosses opérations de maintien de la paix de l'ONU et son budget annuel est estimé par des experts entre 500 et 800 millions de dollars.

La résolution appelle par ailleurs les autorités de transition à Bangui à «tenir des élections présidentielles et législatives libres et équitables au plus tard en février 2015».

«On aura tout essayé dans ce pays» 

Mais de nombreux habitants ne cachent pas leur pessimisme quant au redressement de ce pays très pauvre, au passé miné par des années de troubles à répétition, entre rébellions et coups d'État.

«On aura tout essayé dans ce pays: opération Barracuda (1979) , Mission des Nations unies en République Centrafricaine (Minurca, 1998-2000),  Force multinationale de l'Afrique centrale (Fomac, 2010), Misca, Sangaris, et bientôt Misnusca!», ironise un juriste, Eusèbe Mamougbassio, énumérant de tête les innombrables missions internationales qui ont échoué à rétablir l'ordre en Centrafrique depuis 30 ans.

«Le pays s'enfonce dans un gouffre. Il n'y a plus aucun respect pour la personne humaine», soupire-t-il.

Pour Martin Zoundagah, enseignant, «les jours passent et la Communauté internationale se lasse de nos turpitudes».

«Les Centrafricains doivent cesser d'attiser la haine, d'inciter aux tueries, aux pillages, aux vols, aux viols. Les Casques bleus n'y pourront rien tant que la tendance restera à l'esprit de vengeance», ajoute-t-il.

La Centrafrique a sombré dans un chaos sans précédent il y a un an, avec l'arrivée de la rébellion à dominante musulmane Séléka, au pouvoir entre mars 2013 et janvier 2014, qui a multiplié les exactions sur la majorité chrétienne de Centrafrique (80% de la population).

A l'origine formées pour se défendre face aux Séléka, les milices armées «anti-balaka», essentiellement chrétiennes, mènent des attaques toutes aussi sanglantes contre les anciens rebelles et les civils musulmans, qui fuient le pays en masse.

Mardi, au moins 30 personnes, dont une majorité de civils, ont été tuées dans des affrontements entre miliciens anti-balaka et ex-rebelles Séléka dans la région de Dékoa, à 300 km au nord de Bangui.

En visite à Bangui samedi, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, a appelé la communauté internationale à se mobiliser en Centrafrique, livrée à «une épuration ethnico-religieuse» pour empêcher la réédition d'un drame similaire au génocide rwandais, 20 ans après.