Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a affirmé, à quelques heures du début dimanche de la campagne électorale, que ses ennuis de santé ne l'empêchaient pas de briguer un 4e mandat au scrutin du 17 avril, pour lequel il est donné favori malgré une contestation inédite.

Dès l'annonce de sa candidature le 22 février par le premier ministre d'alors Abdelmalek Sellal, les manifestations de rue se sont multipliées contre un nouveau quinquennat de M. Bouteflika, et sa capacité à continuer à diriger le pays a provoqué une polémique au sein de la hiérarchie militaire.

Au pouvoir depuis 15 ans, le président sortant, 77 ans, apparaît considérablement amoindri par les suites d'un AVC en avril 2013 qui avait nécessité son hospitalisation à Paris.

Il s'était finalement exprimé publiquement lors du dépôt de son dossier le 3 mars au Conseil constitutionnel. Il avait alors, d'une voix à peine audible, annoncé sa candidature pour un nouveau quinquennat sous le slogan «Notre serment pour l'Algérie».

Face à la contestation et aux appels à renoncer à un nouveau mandat, M. Bouteflika a adressé samedi soir une lettre aux Algériens, reproduite par l'agence APS, dans laquelle il défend sa candidature.

«Les difficultés liées à ma santé ne semblent pas me disqualifier à vos yeux ou plaider en faveur de ma décharge des lourdes responsabilités qui ont eu raison d'une bonne partie de mes capacités», a-t-il dit.

M. Bouteflika a affirmé qu'il ne pouvait que «répondre positivement» aux «appels» lui demandant de se porter candidat et d'expliquer: «je ne suis jamais, ma vie durant, dérobé à aucun devoir au service de ma patrie».

Le 17 avril, il affrontera cinq adversaires mais son principal challenger sera son ancien homme de confiance qui fut aussi son rival à la présidentielle de 2004, Ali Benflis, 69 ans. Cet ex-patron du Front de libération nationale (FLN, au pouvoir) se présente comme «indépendant».

Campagne par procuration 

Quatre autres candidats vont de nouveau tenter leur chance à la magistrature suprême: Louisa Hanoune qui dirige le Parti des Travailleurs (gauche), le président du Front national algérien (nationaliste), Moussa Touati, et le chef d'un parti nationaliste, Ahd (Serment) 54, Ali Fawzi Rebaïne. Enfin le dernier et plus jeune candidat est Abdelaziz Belaid, 50 ans, un ancien du FLN qui a fondé en 2012 le Front El Moustakbel.

Fait inédit: le favori ne devrait pas participer en personne à la campagne électorale, vu son état de santé.

Ce sera M. Sellal, devenu son directeur de campagne, qui donnera le coup d'envoi des 22 jours de campagne en se rendant à Tamanrasset, fief des Touaregs dans le Sahara.

M. Bouteflika sera aussi soutenu dans sa campagne par deux ex-premiers ministres ramenés au coeur du pouvoir -Ahmed Ouyahia et Abdelaziz Belkhadem- et par les ministres Amara Benyounes et Amar Ghoul.

M. Benflis, lui, entraînera ses partisans à Mascara (350 km à l'ouest d'Alger), ville de l'émir Abdelkader, considéré comme le fondateur de l'État moderne algérien.

La perspective d'un nouveau mandat pour M. Bouteflika a provoqué une polémique au sein de la hiérarchie militaire, le général à la retraite Hocine Benhadid l'ayant appelé en février à partir «dignement», au nom de plusieurs collègues.

Il s'en est pris particulièrement au frère du président, Saïd Bouteflika, «premier et principal acteur» du clan, ainsi qu'à un autre de ses membres, le chef d'état-major Ahmed Gaïd Salah accusé de n'avoir «aucune crédibilité».

Manifestations et boycottage 

La rue n'est pas non plus restée silencieuse.

Depuis plus d'un mois, les rassemblements contre un 4e mandat se sont multipliés.

Jusqu'à la semaine dernière, la police dispersait à coups d'interpellations ces manifestations. Elle a changé de tactique et se contente désormais de les encadrer.

Cinq partis d'opposition et l'ex-chef du gouvernement, Ahmed Benbitour ont pour leur part créé une Coordination nationale pour le boycottage du scrutin. Ils ont réuni vendredi des milliers de partisans dans une salle d'Alger.

Enfin, pour la première fois depuis son retrait de la présidence en 1999, Liamine Zeroual, est sorti de son silence en réclamant l'«alternance du pouvoir» et en critiquant la révision de la Constitution qui avait permis à M. Bouteflika de briguer en 2009 un 3e mandat.

Six candidats à la présidentielle du 17 avril

Six candidats se présentent à la présidentielle du 17 avril en Algérie dont la campagne électorale débute ce dimanche, avec pour favori le président Abdelaziz Bouteflika qui brigue un 4e mandat.

- Abdelaziz Bouteflika, 77 ans, élu en 1999, puis en 2004 et en 2009 après avoir modifié la Constitution qui limitait la présidence à deux mandats, avait fait du retour à la paix en Algérie, déchirée par plus de dix ans de guerre civile et 200000 morts, son principal cheval de bataille.

Né le 2 mars 1937 à Oujda (Maroc) d'une famille originaire de Tlemcen (ouest algérien), il s'engage en 1956 dans l'Armée de libération nationale contre le colonialisme français. À l'indépendance en 1962, il est député de Tlemcen puis à 25 ans ministre de la Jeunesse et des Sports. Il est nommé chef de la diplomatie sous les présidences Ben Bella et Boumedienne jusqu'en 1978. Sous Chadli Bendjedid, il est écarté et se retrouve en 1983 accusé d'irrégularités dans sa gestion mais disculpé deux ans plus tard. Après six ans passés à l'étranger, il refuse en janvier 1994 la présidence mais l'accepte en 1999. Après un AVC en 2013, il est hospitalisé à Paris pendant 80 jours et depuis son retour il n'a jamais pris la parole en public et n'a tenu que deux conseils des ministres. Sa candidature est contestée dans la rue.

- Ali Benflis, né le 8 septembre 1944 à Batna dans les Aurès (est), est Magistrat de formation. Il devient ministre de la Justice en 1988, après avoir co-fondé la Ligue algérienne des Droits de l'Homme. Elu député du Front de Libération nationale (FLN) en 1997, il est chargé en 1999 de diriger la campagne électorale d'Abdelaziz Bouteflika dont il devient rapidement l'homme de confiance, jusqu'à devenir son chef de gouvernement (2000-2003). Resté à la tête du FLN, il se présente en 2004 contre son mentor mais ne recueille que 6,42% des voix. Il disparaît de la scène politique durant dix ans jusqu'à sa nouvelle candidature à la magistrature suprême en 2014.

- Louisa Hanoune, qui dirige le Parti des travailleurs (gauche), est candidate pour la troisième fois à la présidentielle. Née le 7 avril 1954 à Jijel (est), cette licenciée en droit est l'une des fondatrices et présidente de l'Association pour l'égalité devant la loi entre les femmes et les hommes, en 1989. À Alger, elle rejoint l'Organisation socialiste des travailleurs (OST, clandestine) et est arrêtée deux fois (1983, 1988). En 1989, avec le multipartisme, elle est membre fondatrice du Parti des travailleurs dont elle devient secrétaire générale en 2003 tout en étant élue trois fois députée.

- Moussa Touati, 60 ans, président du Front national algérien (FNA, nationaliste) qu'il a créé en 1999, est pour la troisième fois consécutive candidat à la tête de l'État. Né le 3 octobre 1953 à Médéa (centre), il entre dans l'armée à la sortie du lycée. Après avoir été formé en Syrie et en Libye, il intègre les Douanes et préside durant quelques années la CNEC (Coordination nationale des enfants des martyrs de l'indépendance).

- Ali Fawzi Rebaïne, chef du parti Ahd 54, 59 ans, en est aussi à sa 3e candidature consécutive. Né le 24 janvier 1955 à Alger, cet opticien est un co-fondateur de la première Ligue des droits de l'Homme en 1985 et du comité national contre la torture en 1988. Fils d'une famille de révolutionnaires, il est arrêté à deux reprises, dont en juillet 1985 pour «atteinte à la sûreté de l'État et constitution d'association illégale». Condamné à 13 ans de prison, il est libéré en 1987 par grâce présidentielle. En 1991, il co-fonde AHD 54.

- Abdelaziz Belaid, 50 ans, plus jeune candidat, se présente pour la première fois à la présidentielle. Né le 16 juin 1963 à Batna, il est titulaire d'un doctorat en médecine et d'une licence en droit. Membre du Front de Libération nationale (FLN) dès l'âge de 23 ans, il est élu deux fois député du parti historique mais le quitte en 2011 pour créer en 2012 le Front Moustakbel.