La police sud-africaine a dû s'interposer mercredi entre des militants de l'opposition qui organisaient à trois mois des élections une grande marche contre le chômage et des sympathisants de l'ANC qui les ont violemment pris à partie.

Des sympathisants de l'ANC, le parti au pouvoir, ont jeté des cocktails Molotov et des briques sur les manifestants de l'Alliance démocratique (DA), ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les policiers ont réagi en tirant des grenades assourdissantes. Ils ont aussi formé une chaîne humaine pour s'interposer entre les deux camps et empêcher que l'incident ne dégénère.

Plusieurs jeunes vêtus de tee-shirts de l'ANC ont été embarqués dans des véhicules de police. La police a fait état de quatre arrestations, et s'est félicitée d'avoir «réussi à éviter des affrontements sérieux et des blessures».

L'ANC du président Jacob Zuma devrait remporter sans trop de peine les élections du 7 mai, mais le parti dominant est sur la défensive, critiqué pour la lenteur des transformations socio-économique du pays, la persistance d'un chômage massif, le manque de dynamisme de l'économie et la corruption de certains de ses dirigeants.

La DA, principale formation de l'opposition, voulait à l'origine marcher jusqu'au siège de l'ANC, dans le centre historique de Johannesburg, mais en a été découragée par la police.

Elle a donc décidé de disperser sa manifestation sur une place située à proximité. Mais des milliers de militants ANC armés de briques avaient occupé les lieux, attendant leurs opposants de pied ferme.

Kamogelo, un partisan de l'ANC âgé de 20 ans, faisait partie du «comité d'accueil», avec à la main une brique sur laquelle était écrit «DA».

«Il faut utiliser des briques aujourd'hui, il le faut», a-t-il dit à l'ANC. «Il n'y a pas de toyi-toyi (manifestation) sans violence. Nous sommes prêts pour la DA», a-t-il témoigné.

«Nous sommes ici pour nous faire entendre et nous sommes accueillis avec de la violence, ce n'est pas normal, surtout dans un pays démocratique», a protesté en face Melissa Cohen, une militante de l'Alliance démocratique.

«Nous avons le droit de nous exprimer, c'est barbare», a-t-elle ajouté alors que les militants de l'opposition étaient invités à rejoindre leurs autocars.

Chômage massif

Avant la dispersion de ses troupes, la présidente de la DA Helen Zille a jugé que la réaction du parti dominant montrait sa vraie nature.

«Ils ont même essayé de nous arrêter au tribunal (l'ANC ayant en vain tenté de faire interdire la manifestation, NDLR), mais ils ont échoué. Cela montre quel genre de parti c'est!», a-t-elle lancé à ses partisans.

«Le rassemblement de l'ANC était illégal, pourquoi la police ne l'a pas empêché?», s'est-elle interrogée. «Ils avaient des pierres, ils voulaient la violence... Mais ils ont été quand même autorisés à se rassembler!»

La manifestation de la DA réunissait symboliquement 6000 militants pour se moquer des 6 millions d'emplois promis par l'ANC, alors que le chômage s'élève officiellement à plus de 24 % et atteint selon certains modes de calcul jusqu'à 40 % des 35 millions de personnes en âge de travailler.

La formation de l'opposition, libérale, se targue au contraire de pouvoir créer 6 millions de «vrais emplois» si elle parvient au pouvoir - une perspective fort peu vraisemblable, vu l'écrasante domination de l'ANC depuis la fin de l'apartheid il y a vingt ans.

La DA avait juré que sa marche dans Johannesburg serait pacifique.

Plusieurs sympathisants de l'ANC y ont néanmoins vu une provocation et ont décidé de venir «défendre la dignité de (leur) mouvement», a expliqué l'un d'entre eux, Jacob Msweli.

«La DA a tendance à dénigrer nos dirigeants, nous n'avons jamais marché sur leurs locaux», a-t-il ajouté.