Au moins 11 personnes, dont un parlementaire, ont été tuées lors de violences accompagnées de pillages à grande échelle dimanche à Bangui, au moment où le ministre français de la Défense a débuté au Tchad une nouvelle tournée largement dédiée à la Centrafrique.

Dans la capitale centrafricaine, une nouvelle flambée de violence a éclaté samedi soir aux abords de la mairie du 5e arrondissement, au centre-ville, avec cinq personnes tuées dans des circonstances non établies, puis trois autres dans des affrontements interreligieux, et une neuvième par des soldats de la force de l'Union africaine (MISCA), selon des témoins.

Peter Bouckaert, de l'ONG Human Rights Watch, qui a également fait état du lynchage à mort d'une dixième personne - musulmane ou chrétienne, selon des sources contradictoires - près du marché central.

Dans l'après-midi dimanche, c'est un membre du parlement provisoire centrafricain, Jean-Emmanuel Ndjaroua, qui a été assassiné dans le 4e arrondissement de la capitale, selon la Ligue centrafricaine des droits de l'Homme (LCDH).

La veille, la victime avait fait une intervention remarquée devant le Conseil national de transition (CNT, parlement provisoire), dans laquelle elle s'était élevée contre les violences dont sont victimes les ressortissants «cosmopolites» de sa région, autrement dit les musulmans.

Dimanche matin, des soldats français et des gendarmes centrafricains avaient pris position, au milieu de ruines de commerces encore fumantes, dans le 5e arrondissement livré aux pilleurs et survolé par un hélicoptère de combat français.

«La nuit, c'était terrible»

Selon des habitants, après la mort de cinq personnes samedi soir, une femme chrétienne de ce quartier mixte a été tuée par un musulman. Son agresseur a été capturé et tué, et son cadavre brûlé devant la mairie. Son corps calciné gisait dimanche au milieu de la route.

Un deuxième civil musulman a ensuite été tué et son meurtrier s'apprêtait à jeter le cadavre dans un brasier quand les soldats rwandais de la Misca ont ouvert le feu, a raconté Innocent, un habitant du quartier. «Ils l'ont tué», a accusé Innocent, s'exprimant au milieu d'une foule surexcitée criant «À mort les Rwandais».

«Les Rwandais sont tous des musulmans! Dehors, les Rwandais!», hurlait une femme, tandis que crépitaient des rafales de kalachnikov, d'origine indéterminée.

Dans la mairie du 5e arrondissement, une dizaine de soldats rwandais était retranchée: «la nuit, c'était terrible», a dit l'un d'eux à l'AFP.

En fin de matinée, malgré les remontrances des militaires français, des bandes de jeunes pillards continuaient de venir se servir, certains avec des brouettes ou des charrettes, se glissant entre les blindés.

«Les Français ne vont pas tirer» 

«Les Français ne vont pas nous tirer dessus», assurait en riant l'un d'eux, un jeune coiffé d'un bonnet.

Selon une source militaire française, les pillages ont finalement été contenus à la mi-journée.

Le commandant en chef de la Misca, le général camerounais Martin Tumenta Chomua, a menacé samedi les groupes armés de recourir à la force pour arrêter assassinats, lynchages et pillages.

Dans ce climat de violences sans fin, le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian est arrivé dimanche à N'Djamena pour une nouvelle tournée régionale consacrée en grande partie à la crise centrafricaine.

M. Le Drian a indiqué à la presse avoir «fait le point» avec le président tchadien Idriss Déby Itno, acteur militaire et politique majeur d'Afrique centrale, «sur les différents théâtres des opérations, notamment au Mali, et la situation dramatique en Centrafrique».

«Nous avons également évoqué la situation au sud de la Libye, qui est considérée comme un refuge de terroristes», a-t-il ajouté, avant se rendre au Congo.

Le président congolais Denis Sassou Nguesso est médiateur dans le conflit centrafricain. Mercredi M. Le Drian se rendra à Bangui pour une troisième visite depuis le début, le 5 décembre, de l'intervention française («opération Sangaris»).

La Centrafrique a sombré dans le chaos depuis la prise du pouvoir en mars 2013 par Michel Djotodia, chef de la coalition rebelle Séléka à dominante musulmane devenu président, qui a été contraint à la démission le 10 janvier pour son incapacité à mettre fin aux tueries interreligieuse et remplacé le 20 janvier par Catherine Samba Panza.

II a été remplacé le 20 janvier par Catherine Samba Panza, qui a effectué samedi et dimanche son premier déplacement à l'étranger, à Brazzaville où elle a rencontré M. Sassou Nguesso.