Le gouvernement sud-soudanais a remis mercredi au Kenya sept partisans de Riek Machar, mais compte toujours juger l'ancien vice-président et six de ses proches pour tentative de coup d'État, risquant de fragiliser encore la trêve entre Juba et la rébellion.

Le président du Soudan du Sud Salva Kiir «m'a confié sept des 11 détenus précédemment détenus», a déclaré le président kényan Uhuru Kenyatta devant la presse, en présence des prisonniers libérés.

Les sept détenus libérés sont tous des personnalités du régime sud-soudanais, issu de la guérilla sudiste qui a combattu Khartoum de 1983 à 2005, avant l'accès à l'indépendance du Soudan du Sud en juillet 2011. Parmi eux figure notamment John Luk Jok, ex-ministre de la Justice, limogé en juillet 2013 avec Riek Machar.

Cette libération avait été annoncée mardi soir par le ministre sud-soudanais de la Justice, Paulino Wanawila.

Il avait dans le même temps indiqué que les quatre autres détenus - l'ex-secrétaire général du parti au pouvoir Pagan Amum, l'ex-ministre de la Sécurité nationale Oyai Deng Ajak, l'ex-ambassadeur à Washington Ezekiel Lol Gatkuoh et l'ancien vice-ministre de la Défense Majak D'Agoot - seraient jugés pour tentative de coup d'État.

Il avait ajouté que le gouvernement comptait aussi traduire en justice Riek Machar lui-même, ainsi que deux autres de ses alliés en fuite, dont Taban Deng, qui a négocié le cessez-le-feu signé le 23 janvier à Addis Abeba avec le gouvernement de Juba.

Les dirigeants des pays de l'IGAD, l'organisation est-africaine qui a assuré la médiation dans la crise sud-soudanaise, vont «continuer de discuter» avec Salva Kiir des détenus toujours en prison, a assuré mercredi M. Kenyatta.

De sanglants combats avaient éclaté au Soudan du Sud le 15 décembre, déclenchés selon Salva Kiir par une tentative de coup d'État de Riek Machar. Celui-ci accuse Salva Kiir d'instrumentaliser la situation pour se débarrasser de ses rivaux politiques.

D'abord cantonnés à Juba, les affrontements se sont rapidement propagés à une grande partie du territoire sud-soudanais, faisant des milliers de morts et près de 800 000 déplacés.

À l'origine, ils opposaient des soldats loyaux au président Kiir à des militaires mutins fidèles à Riek Machar, derrière lequel s'est désormais ralliée une coalition rebelle plus ou moins stable regroupant aussi diverses milices ethniques.

Lente réconciliation

Pendant des semaines, la question de la libération des 11 détenus a bloqué la signature d'un cessez-le-feu, le camp Machar exigeant leur élargissement comme préalable à toute trêve. Juba refusait, Salva Kiir laissant entendre qu'il pourrait utiliser son pouvoir de grâce pour les faire sortir de prison, mais pas avant que le processus judiciaire soit allé à son terme.

Sous la pression des médiateurs régionaux, les deux camps ont finalement accepté de signer un cessez-le-feu, assorti d'un engagement relativement vague des médiateurs à «accélérer» les libérations réclamées par le camp Machar.

Sur le terrain, les combats ont baissé d'intensité, mais ne semblent pas avoir cessé malgré le cessez-le-feu.

Les deux parties se disent déterminées à respecter la trêve, mais s'accusent mutuellement de l'avoir rompue dès son entrée en vigueur.

Forces gouvernementales et rebelles semblent toujours s'affronter dans des zones rurales d'États-clés - le Jonglei (est), l'Unité (nord) et le Haut-Nil (nord-est) -, au coeur des combats ces dernières semaines.

Pour l'ONU, dont les bases à travers le pays servent de refuge à près de 80 000 civils fuyant les combats, la situation au Soudan du Sud reste «précaire».

À l'occasion d'un déplacement au Soudan du Sud de la responsable des opérations humanitaires des Nations unies Valérie Amos, le coordinateur humanitaire de l'ONU au Soudan du Sud, Toby Lanzer, n'a pas caché son pessimisme: «La très triste réalité pour la population, pour les civils du Soudan du Sud, est que les choses risquent d'empirer avant d'aller mieux».

«Je pense que quand nous parlons de réconciliation, nous admettons que cela prendra du temps», a-t-il ajouté en appelant les parties à entamer dès à présent ce processus. «Il n'est jamais trop tôt, malgré les blessures qui ont été créées, malgré la souffrance que chacun ressent».