Deux tiers des victimes de viols recensées en 2013 au Liberia étaient des enfants, dont 10 âgés de moins de 15 ans sont morts des suites de leurs blessures, a indiqué mardi le ministère libérien du Genre et du Développement.

Durant l'année 2013, 1002 cas de viols ont été décomptés et 65% des victimes avaient entre trois et 14 ans. Mais seuls 137 cas ont fait l'objet d'un procès et 49 personnes ont été reconnues coupables de viol, selon un rapport statistique du ministère sur les violences sexuelles au Liberia.

«À la suite de viols, 10 enfants (...) âgés de trois à 14 ans sont décédés durant l'année 2013. Dans certains cas, les auteurs sont toujours en liberté», a précisé le ministère.

Selon la même source, le faible taux de condamnation est notamment dû au fait que des familles dissimulent les viols commis par des proches de victimes.

«Les familles sabotent les enquêtes parce que la plupart des auteurs sont des parents ou des amis. Nous pouvons affirmer que le chiffre (de victimes déclarées) pourrait être au moins trois fois plus élevé si les familles ne transigeaient pas», a expliqué le ministère.

Le ministère a aussi évoqué un manque de policiers pour la protection des victimes et de personnel médical spécialisé pour leur accueil et leur prise en charge, ou encore le fait que les procureurs ne considèrent pas les viols comme des affaires prioritaires.

L'AFP a sollicité le ministère à la suite d'un discours de la présidente Ellen Johnson Sirleaf, qui avait fait état d'une «inquiétude grandissante» face aux violences sexuelles, «surtout le viol de petits enfants».

Pour le Liberia aujourd'hui, «un des plus grands défis est la violence sexuelle», qui représente «une inquiétude grandissante dans notre pays, surtout le viol de petits enfants», avait affirmé lundi Mme Sirleaf dans une déclaration radiotélévisée.

«Il est honteux que cela continue de gâcher l'image de notre pays», a-t-elle dit.

Selon certaines estimations, jusqu'à 60% de la population féminine aurait été victime de violences sexuelles au Liberia lors des 14 ans de guerres civiles, entre 1989 et 2003, qui ont fait environ 250 000 morts.

Durant ces guerres, le viol était une arme de terreur et des enfants-soldats étaient utilisés comme des objets sexuels par les rebelles.

La présidente Sirleaf a fait voter une loi contre le viol beaucoup plus sévère, qui interdit la libération sous caution d'un violeur présumé et instaure un tribunal dédié aux délits sexuels, et créé une unité de police féminine en 2009.

Mais convaincre des femmes de porter plainte reste un défi et celles qui le font changent souvent d'avis, craignant la stigmatisation et préférant la médiation de chefs de leur communauté ou de leur village.

Et la nouvelle loi a des «effets limités» pour plusieurs raisons, a expliqué la présidente: «les familles des victimes» réticentes à porter plainte, «le manque de preuves et des juges compatissants» envers les prévenus accusés de viol.

Elle a annoncé avoir rencontré des responsables d'organisations de femmes qui élaborent un programme de sensibilisation et de prévention des violences sexuelles visant toutes les composantes de la société: dignitaires religieux, chefs coutumiers, jeunes, parents et enseignants.

Dans son discours, la présidente Sirleaf a également promis d'agir contre le taux «inquiétant» de toxicomanie, et a demandé aux parlementaires de voter une loi permettant aux enfants nés de parents libériens établis à l'étranger de bénéficier automatiquement de la nationalité libérienne.