La présidente centrafricaine de transition, Catherine Samba Panza, qui doit pacifier un pays déchiré par des tueries interreligieuses, a pris ses fonctions jeudi sur fond de violences quasi-quotidiennes et de crise humanitaire sans précédent.

Mme Samba Panza, 59 ans, première femme à accéder à ce poste en Centrafrique, a prêté serment devant les magistrats de la Cour constitutionnelle, marquant ainsi sa prise de fonctions officielle.

Elle succède à Michel Djotodia, qui avait renversé le régime de François Bozizé en mars 2013 à la tête de sa coalition rebelle Séléka et été contraint à la démission le 10 janvier, sous pression de la communauté internationale pour son incapacité à arrêter les tueries entre chrétiens et musulmans.

En présence notamment du président gabonais Ali Bongo Ondimba et du ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius, Mme Samba Panza, élégant tailleur corail et escarpins argentés, a lancé un nouvel appel à la paix.

«Aux combattants des ex-Séléka et aux anti-balaka (milices chrétiennes), je leur demande avec insistance d'observer un comportement patriotique en déposant les armes», a-t-elle demandé.

La nouvelle présidente s'est aussi engagée à «conserver l'unité nationale sans aucune considération d'ordre ethnique, régional, religieux, confessionnel».

Avant son investiture, un petit orchestre chauffait la salle en chantant «We are the world, we are the champions», puis a poursuivi avec «Elle court, elle court, la maladie d'amour».

«Je suis très fière de ma mère, elle est très brave, très honnête», a confié à l'AFP sa fille Olga.

Nomination rapide d'un gouvernement

«Sans l'intervention de la force (française) Sangaris, je ne sais pas où le pays serait aujourd'hui. Je suis profondément reconnaissante à la France», a dit Mme Samba-Panza.

L'investiture de Mme Samba-Panza représente l'«espoir que la réconciliation va pouvoir s'engager, que la sécurité va pouvoir être progressivement rétablie et que la population va être préservée du drame de la faim ou, pire même, des exactions», a déclaré le président François Hollande depuis Paris.

La présidente devrait nommer rapidement son premier ministre, probablement d'ici à ce week-end, selon des sources politique et diplomatique, pour avoir en début de semaine un gouvernement prêt à relever le défi de restaurer la paix après des mois de haines intercommunautaires.

Illustration de l'ampleur de la tâche, jeudi encore, après des violences ayant fait au moins 10 morts la veille, la tension restait extrême dans certains quartiers nord de la capitale, en proie aux pillages, des dizaines d'habitants ayant fui leurs maisons de peur de nouveaux affrontements.

«Pas assez de soldats»

Pour mettre fin aux violences, Mme Samba Panza veut d'abord «plus de soldats», a-t-elle expliqué au quotidien français Le Parisien.

La France a engagé début décembre 1600 hommes dans le cadre de son opération Sangaris en soutien à la force africaine (MISCA). Celle-ci comptera dans les jours à venir environ 5200 hommes, l'objectif étant de parvenir rapidement à 6000 soldats sur le terrain. L'Union européenne va envoyer de son côté une force d'environ 500 militaires à Bangui.

«Le nombre de soldats actuel ne suffit même pas à remettre de l'ordre à Bangui», juge la présidente.

Mais la France n'a pas l'intention «dans l'état actuel des choses» de renforcer sa présence militaire en Centrafrique, a répondu son ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian.

Pour juguler le désastre humanitaire qui accompagne les violences en Centrafrique, la présidente - qui doit également organiser des élections générales d'ici février 2015 au plus tard - veut aussi «remettre les gens au travail» rapidement.

L'économie du pays - un des plus pauvres du continent malgré son potentiel agricole et minier - est à l'arrêt, toute comme l'administration, qui de surcroît a disparu de régions entières depuis des années.

La Banque mondiale a annoncé jeudi une aide d'urgence de 100 millions de dollars afin de tenter de répondre à la crise humanitaire.