Le gouvernement sud-soudanais a repris vendredi Bentiu, important centre pétrolier et l'une des deux villes stratégiques aux mains des rebelles, au terme de violents combats.

Sur le front diplomatique, les négociateurs des deux camps examinaient à Addis Abeba un projet de cessez-le-feu immédiat présenté par les pays de la région. Mais sur le terrain, le gouvernement sud-soudanais mobilisait massivement pour poursuivre la guerre et reprendre une deuxième ville-clé, Bor, à 200 km au nord de la capitale Juba.

«Bentiu est aujourd'hui sous notre contrôle», a dit le porte-parole de la présidence sud-soudanaise, Ateny Wek Ateny.

Le chef de la rébellion sud-soudanaise, l'ex-vice-président Riek Machar, a reconnu la perte de la ville, mais promis de poursuivre son combat contre son rival, le président Salva Kiir.

«Nous nous sommes retirés de Bentiu, mais c'était pour éviter des combats de rue et sauver des vies humaines. Nous continuons notre combat, nous continuerons la bataille», a-t-il dit à l'AFP par téléphone. Il a cependant promis que les rebelles poursuivraient les pourparlers à Addis Abeba. «Nous nous y sommes engagés».

Un commandant rebelle, Lul Ruai Koang, a estimé que la perte de Bentiu, déjà livrée aux pillages et vidée de la plupart de ses habitants, n'était que temporaire. «Le gouvernement n'a pas les moyens de nous battre militairement», a t-il ajouté, affirmant que la rébellion tenait toujours les infrastructures pétrolières à l'extérieur de Bentiu.

Les locaux dans Bentiu de plusieurs ONG, dont Médecins Sans Frontières, ont été pillés.

«Il est inacceptable que l'une des rares organisations humanitaires aidant encore la population de Bentiu soit pillée», a déclaré le responsable de MSF, Arjan Hehenkamp.

«MSF demande à toutes les parties en conflit de respecter l'intégrité des locaux médicaux et de permettre l'accès aux soins des patients, quelle que soit leur origine ou leur ethnie».

La station de radio indépendante Tamazuj a indiqué que la capitale de l'État pétrolier d'Unité était tombée à la mi-journée, après l'abandon par les rebelles de leurs positions face à une grande offensive gouvernementale.

Citant des témoins, elle a ajouté que des combats avaient éclaté au sein même des forces de M. Machar qui affrontent celles fidèles au président Kiir.

Selon la radio, plusieurs combattants rebelles ont été tués tandis qu'ils tentaient de se réfugier dans une base de l'ONU.

D'autres affrontements se poursuivaient dans l'Est autour d'une seconde ville tenue par les rebelles, Bor, capitale de l'État du Jonglei, qui a déjà changé trois fois de mains depuis le début, le 15 décembre, du conflit.

«Nous devons mobiliser tous les soldats de la SPLA (l'armée sud-soudanaise), tous les anciens soldats qui étaient dans l'armée soudanaise», a dit le gouverneur de l'État d'Equatoria-central, où se trouve Juba.

Clement Wani Konga a précisé que 3000 soldats avaient été mobilisés dans sa seule région et que 12 000 le seraient prochainement.

Un bilan «approchant les 10 000 morts»

Des partisans du gouvernement dans différentes régions ont ajouté qu'ils étaient en train de mobiliser des milliers d'anciens soldats.

Pendant ce temps à Addis Abeba les délégations des rivaux sud-soudanais examinaient vendredi un projet de la médiation est-africaine.

La proposition, selon le texte vu par l'AFP, appelle à «cesser toute action militaire visant l'autre camp» et à «s'entendre sur une cessation immédiate de toutes les opérations militaires et à geler leurs forces».

Les médiateurs proposent également la création d'une force non armée pour surveiller le respect d'un éventuel accord. Ils appellent enfin à permettre immédiatement la fourniture d'«une aide urgente» aux populations déplacées.

Gouvernement et rebelles ont entamé lundi des pourparlers, mais ceux-ci continuent de buter sur la libération de détenus proches de la rébellion, arrêtés aux premiers jours des combats.

La délégation rebelle en fait une condition préalable au cessez-le-feu, ce que refuse Juba, affirmant qu'ils doivent être jugés normalement.

En attendant une éventuelle trêve, le bilan de plus de trois semaines d'affrontements «dépassera très largement» le millier de morts avancé jusqu'ici par les Nations unies, a indiqué jeudi le patron des opérations de maintien de la paix de l'ONU, Hervé Ladsous.

Il n'a pu fournir de bilan des violences aggravées par des tueries entre les Dinka du président Kir et les Nuer de son rival.

Mais selon un analyste de l'International Crisis Group, un groupe de réflexion indépendant, l'intensité des combats en une trentaine d'endroits fait craindre un bilan «approchant les 10 000 morts».

5500 Casques bleus supplémentaires attendus commenceront à se déployer «dans les prochains jours» et seront tous sur place «dans quatre à huit semaines», a indiqué M. Ladsous.

Parrains de l'indépendance du Soudan du Sud en 2011, les États-Unis se sont alarmés jeudi du risque d'éclatement du pays.

La diplomatie américaine a paru prendre position pour l'ancien vice-président Machar en affirmant qu'il n'avait pas tenté de coup d'État mi-décembre à Juba, comme l'en accuse le président Kiir.

L'ONU appelle Salva Kiir à libérer les prisonniers

L'ONU, par la voix de son secrétaire général et du Conseil de sécurité, a demandé vendredi au président sud-soudanais Salva Kiir de libérer les prisonniers «politiques» arrêtés au début des combats à la mi-décembre.

«J'ai appelé le président Salva Kiir une nouvelle fois hier (jeudi) et je l'ai exhorté à faire montre de souplesse et de leadership en libérant immédiatement les prisonniers politiques», a affirmé vendredi le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon.

«Le Soudan du Sud est à la croisée des chemins, cette crise ne peut se résoudre qu'à la table des négociations et je demande instamment aux deux camps de négocier de bonne foi», a-t-il ajouté.

Le gouvernement et les rebelles partisans de l'ancien vice-président Riek Machar ont entamé lundi des pourparlers, mais ceux-ci continuent de butter sur la libération de détenus proches de la rébellion, arrêtés aux premiers jours des combats.

La délégation rebelle en fait une condition préalable au cessez-le-feu, ce que refuse Juba, affirmant qu'ils doivent être jugés normalement.