Le Rwanda a commencé mardi la commémoration du génocide perpétré il y a près de 20 ans, en allumant une flamme du souvenir qui traversera le pays avant de revenir dans la capitale Kigali dans trois mois.

Des survivants et des responsables gouvernementaux se sont rassemblés au principal mémorial du génocide de 1994, Gisozi, où la flamme a été allumée dans l'après-midi.

Elle fera ensuite le tour de localités et villages du petit pays d'Afrique centrale, avant l'ouverture d'une période de deuil national le 7 avril.

«Aujourd'hui, la commémoration du vingtième anniversaire du génocide commence», a déclaré la ministre rwandaise des Affaires étrangères Louise Mushikiwabo.

Trois survivants âgés du génocide ont mis plusieurs minutes à allumer un feu en frottant une branche contre une pierre. Puis ils ont apporté la branche enflammée à un groupe de vingt enfants qui portaient une torche en métal et qui l'ont allumée avec.

«Nous sommes profondément conscients des difficultés et des défis du chemin à parcourir pour construire une nation, ce qui n'est pas une tâche facile, particulièrement avec l'héritage d'un génocide», a souligné Mme Mushikiwabo.

L'assemblée a écouté des témoignages de survivants expliquant comment ils ont réussi à reconstruire leurs vies ces vingt dernières années.

Marcel Mutsindashyaka, 24 ans, étudiant aux États-Unis, a raconté comment il s'est caché chez un voisin hutu puis a grandi dans un orphelinat. D'abord employé dans un cybercafé, il a monté une agence d'information, Umuseke.

Selon l'ONU, environ 800 000 personnes, essentiellement membres de la communauté tutsi, ont péri dans le génocide perpétré par des extrémistes hutu en trois mois, d'avril à juin 1994.

La plupart des responsables du massacre ont été jugés par un tribunal pénal international à Arusha, en Tanzanie.

Quelque deux millions d'autres personnes, des Rwandais ordinaires, ont aussi comparu devant des tribunaux populaires, les gacaca (prononcer gatchatcha), pour leur rôle présumé dans le génocide. Devant ces tribunaux, 65 % des personnes jugées ont été reconnues coupables.

Tous les ans, le Rwanda et ses quelque 12 millions d'habitants observent une période de deuil national à partir du 7 avril, date du début du génocide.

La télévision nationale diffusera comme chaque année des images des massacres. Traditionnellement à cette période, les Rwandais portent du violet, la couleur du deuil, et les survivants nettoient et enterrent de nouveau des os de victimes. Des veillées ont aussi lieu.

À travers le pays, les mémoriaux seront rénovés.

La prochaine étape du parcours de la flamme du souvenir sera l'école Nyange, dans l'ouest du pays, a indiqué à l'AFP Freddy Mutanguha, responsable au Rwanda de la Fondation Aegis qui gère le mémorial de Gisozi et figure parmi les organisateurs de la cérémonie.

Cette école a été attaquée en 1997, soit trois ans après le génocide, par des miliciens extrémistes hutu. Les miliciens ont voulu séparer les élèves tutsi des élèves hutu, mais les élèves ont refusé et ont tous été massacrés.

À chaque étape de la flamme, des débats seront organisés dans les communautés pour réfléchir aux causes du génocide dans la société rwandaise, et à l'aveuglement de la communauté internationale qui a laissé faire. Des débats similaires seront organisés dans plusieurs capitales étrangères, dont Londres et New York.

Les discussions porteront également sur l'identité nationale rwandaise et sur les progrès que le pays a effectués depuis la fin du génocide qui a détruit le tissu social.

Dans le but de cimenter un pays encore meurtri, le gouvernement interdit toujours aux Rwandais de se définir comme Hutu ou Tutsi.

Sur le plan économique, le Rwanda a fait un bond depuis que l'ex-rébellion du Front patriotique rwandais (FPR) de Paul Kagame, aujourd'hui au pouvoir, a mis fin au génocide.

Salué pour ses résultats en matière de lutte contre la pauvreté, le pays affiche régulièrement des taux de croissance supérieurs à 6 %.

Mais les détracteurs du pouvoir l'accusent régulièrement d'étouffer toute opposition et de se livrer à de nombreux abus. Des experts dénoncent aussi une réconciliation encore en trompe-l'oeil.