Les miliciens, dont le gouvernement sud-soudanais accusait l'ex-vice président Riek Machar de mobiliser contre lui, ont abandonné dimanche leur avancée qui faisait craindre un «bain de sang» à l'ONU.

«Selon nos sources, les chefs locaux Lou et Dau Nuer ont convaincu les jeunes et la plupart sont rentrés chez eux», a affirmé à l'AFP le porte-parole du gouvernement, Michael Makuei. «Donc à moins (d'une nouvelle mobilisation), il semble que la situation se calme maintenant».

«C'est bien parce que nous ne voulons pas perdre plus de vies,» a-t-il ajouté.

Quelques heures après ces déclarations, l'ONU a toutefois fait état de la présence de groupes armés près de la ville de Bor, capitale de l'État du Jonglei (est), point focal de la lutte entre partisans de Machar et Juba.

Selon l'ONU, qui n'a pas identifié les groupes, ceux-ci se trouvent à environ 50 kilomètres au nord-est de la ville.

Juba accusait depuis samedi Riek Machar d'avoir mobilisé jusqu'à 25 000 jeunes miliciens de l'ethnie Lou Nuer, membres selon elle d'un groupe surnommé «l'Armée blanche», prêts «à attaquer à n'importe quel moment» dans l'État du Jonglei.

Le porte-parole des rebelles Moses Ruai Lat n'avait pas démenti la présence de forces hostiles au gouvernement dans l'État. Il avait cependant affirmé qu'il ne s'agissait pas de Lou Nuer mobilisés par Riek Machar mais de soldats de l'armée qui avaient décidé de se retourner d'eux-mêmes contre le gouvernement.

Même s'il était difficile de déterminer le contrôle exercé par M. Machar sur ces hommes, la menace d'une nouvelle attaque semblait bel et bien peser sur le Jonglei.

Le porte-parole de la Mission des Nations unies au Soudan du Sud (Minuss), Joseph Contreras, avait ainsi appelé «les parties ayant une influence sur ces groupes armés à les convaincre d'immédiatement arrêter leur avancée pour éviter un autre bain de sang».

Le seul nom de l'Armée blanche évoque depuis des années terreur et massacres au Soudan du Sud.

Le groupe était actif aux côtés de Riek Machar dans les années 90, lors de la guerre civile qui a durant des décennies opposé Khartoum à Juba avant l'accès à l'indépendance du Soudan du Sud en juillet 2011.

Fin 2011 et début 2012, c'est encore elle qui a affronté, dans le Jonglei, une autre tribu, les Murle, dans de sanglantes opérations de représailles autour de vols de bétails.

Pressions internationales

Ces menaces d'attaques étaient survenues alors que des pays d'Afrique de l'Est et de la Corne de l'Afrique ont donné jusqu'à mardi au gouvernement et aux rebelles pour entamer des pourparlers et stopper les combats dans leur pays au bord de la guerre civile.

Le président Salva Kiir et son rival Machar ont accepté le principe des discussions, mais sans fixer de date, et la médiation piétine.

Riek Machar, qui réclame purement et simplement le départ de Salva Kiir, ne veut s'engager à aucun cessez-le-feu tant que ne seront pas libérés tous ses alliés.

Or, selon le porte-parole du gouvernement, Michael Makuei, le gouvernement n'est prêt à libérer que huit des onze détenus, et uniquement quand l'ex-vice président aura accepté le cessez-le-feu et que les négociations auront commencé.

Le Soudan du Sud est déchiré depuis le 15 décembre par d'intenses combats alimentés par une rivalité entre MM. Kiir et Machar, limogé en juillet.

Le premier accuse le second de tentative de coup d'État. Riek Machar nie et reproche à M. Kiir de chercher à éliminer ses rivaux. Les rebelles ont pris en quelques jours le contrôle de capitales régionales comme Bentiu, dans l'État pétrolier d'Unité (nord), et Bor, reprise par l'armée mardi.

Le récent conflit revêt aussi une dimension ethnique : la rivalité entre MM. Kiir et Machar utilise et exacerbe les différends ethniques entre les Dinka, tribu du premier, et les Nuer, celle du second.

Des informations émergent sur des violences entre communautés: meurtres, viols, massacre. Le bilan est déjà de milliers de morts et l'ONU a annoncé la découverte d'au moins un charnier. Plus de 120 000 personnes ont été déplacées.

Au-delà des dirigeants régionaux, d'autres pays s'activent pour tenter d'enrayer la crise.

Les États-Unis, parrains de l'indépendance du Soudan du Sud et son principal soutien depuis, ont dépêché un envoyé et la Chine, qui possède des intérêts dans le secteur pétrolier sud-soudanais, a annoncé l'envoi d'un émissaire.

«Toutes les violences, attaques et violations des droits de l'homme doivent cesser immédiatement», a déclaré le porte-parole du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon. «Les responsables (des exactions) devront répondre de leurs actes».

Débordée aux premiers jours des combats, l'ONU a décidé de doubler à 12 500 ses Casques bleus et d'envoyer des moyens aériens supplémentaires pour mieux protéger les civils. Les renforts ont commencé à arriver au compte-gouttes.