L'armée sud-soudanaise préparait lundi une offensive contre les forces rebelles de l'ancien vice-président Riek Machar, le pays glissant toujours plus vers la guerre civile en dépit d'intenses efforts diplomatiques internationaux.

Ce pays est en proie à d'intenses combats depuis que le président Salva Kiir a accusé son ancien vice-président, limogé en juillet, de tentative de coup d'État il y a une semaine. Riek Machar dément, accusant Salva Kiir de vouloir éliminer ses rivaux.

À Juba, l'émissaire américain pour le Soudan et le Soudan du Sud, Donald Booth, a déclaré en soirée: «Le président Kiir a pris devant moi l'engagement selon lequel il était prêt à commencer des pourparlers, sans condition préalable, avec Riek Machar afin de mettre un terme à la crise».

Quant à l'ex-vice-président, il a jusque-là fait savoir qu'il n'était prêt qu'à négocier un départ du président.

Sur le terrain, la situation continue de dégénérer et des centaines de milliers de personnes risquent d'avoir très vite besoin d'aide, a mis en garde l'ONU, qui prédit «une augmentation massive des besoins» humanitaires à court terme.

Depuis une semaine, des morts par centaines ont été recensés et les civils affluent par dizaines de milliers dans différents complexes de l'ONU - 20 000 à Juba seule - pour tenter d'échapper aux combats et à la mort.

Ban Ki-moon a une nouvelle fois appelé les deux camps à «cesser immédiatement les attaques contre les civils et les Casques bleus», sous peine de sanctions.

Des renforts de l'armée sud-soudanaise sont prévus à Bor (200 km au nord de Juba), la capitale de l'État du Jonglei, chroniquement instable, prise la semaine dernière par les hommes de Machar.

Les forces de l'ancien vice-président ont également pris le contrôle de Bentiu, capitale de l'État stratégique d'Unité qui concentre la production pétrolière nationale.

«Les forces SPLA (l'armée) et les forces loyales (au gouvernement) sont maintenant prêtes à avancer sur Bor», a déclaré le président Kiir devant le Parlement.

Les États-Unis, mais aussi le Royaume-Uni, le Kenya et l'Ouganda rapatrient leurs citoyens. Washington a indiqué que son armée préparait de nouvelles évacuations, après avoir déjà exfiltré 380 Américains ces derniers jours.

L'ONU et des dirigeants du monde entier sont engagés dans une course diplomatique pour éviter au Soudan du Sud de plonger dans la guerre civile, deux ans et demi seulement après son indépendance du Soudan.

Les États-Unis, parrains de l'indépendance de juillet 2011, sont en première ligne.

Salva Kiir a également accusé lundi Riek Machar de mobiliser des miliciens nuer, connus pour leurs raids brutaux contre les communautés rivales pendant la longue guerre civile Nord-Sud (1983-2005) qui a ravagé le Soudan avant la sécession du Sud.

Mobilisation de troupes

Après un déplacement dans Bor, le chef des opérations humanitaires de l'ONU au Soudan du Sud, Toby Lanzer, s'est alarmé de la dégradation de la situation.

«Il y a encore une semaine, il aurait été difficile d'imaginer que les choses puissent dégénérer de la sorte», a-t-il dit à l'AFP, estimant que «des centaines de milliers de personnes auront besoin d'aide très vite».

La situation est selon lui d'autant plus critique à Bor que les Casques bleus n'auront certainement pas la capacité de défendre les 17 000 civils réfugiés dans la base onusienne locale.

Dans le jeune État, dernier né au monde et déjà gangréné par la corruption, la lutte pour le pouvoir politique entre président et ex-vice-président utilise les appartenances communautaires. Les hommes fidèles à Salva Kiir sont issus de l'ethnie dinka, majoritaire, ceux de Riek Machar sont nuer.

La semaine dernière, des miliciens nuer ont attaqué une base de l'ONU à Akobo, dans le Jonglei, tuant deux Casques bleus indiens et au moins 20 civils dinka réfugiés là.

L'ONU «fortifie son camp à Bor, pour s'assurer que ne se répète pas ce qui s'est passé à Akobo», a expliqué M. Lanzer. «Mais, comme à Akobo, s'il y a quelques Casques bleus à l'intérieur et 2000 (combattants) à l'extérieur, nous ne pourrons pas faire grand-chose».

Les combats semblent s'être étendus à un autre État, le Haut-Nil (nord-est), où, dans son hôpital de la localité de Nasir, Médecins sans frontières dit avoir reçu 24 blessés.

Selon Jok Madut Jok, du centre de recherche Sudd Institute, des combats ont éclaté dans la capitale du Haut-Nil, Malakal, même si elle reste sous contrôle gouvernemental. Un étudiant dinka l'a appelé, paniqué, pour lui raconter que «lui-même et les autres étudiants dinka de l'université (...) seraient certainement tués» si les rebelles prenaient la ville.

Lundi, l'armée sud-soudanaise «travaillait» aussi à une reprise du contrôle de Bentiu (1000 km au nord de Juba), dans l'État d'Unité, a indiqué le porte-parole de l'armée, Philip Aguer.

Cet État pétrolier est stratégique, l'or noir représentant 95 % de la fragile économie nationale. Le secteur a déjà été touché par les récents combats et des compagnies pétrolières évacuent leur personnel après la mort d'au moins cinq travailleurs sud-soudanais.

Selon un responsable local, la zone est jonchée de cadavres.

«Ce Noël ne sera pas comme les précédents, parce que nous pleurerons nos proches perdus dans cette guerre insensée», a dit lundi M. Kiir.

Renfort de 5500 Casques bleus recommandé par Ban Ki-moon

Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a recommandé lundi d'envoyer 5500 soldats et 423 policiers supplémentaires au Soudan du Sud pour renforcer la Mission de l'ONU sur place, au moment où des témoignages font état d'exactions à caractère ethnique.

Le Conseil de sécurité a entamé dans la soirée des consultations d'urgence pour examiner la demande de M. Ban de renforcer les capacités militaires, policières et logistiques de la Mission de l'ONU au Soudan du Sud (MINUSS), alors que le pays glisse toujours plus vers la guerre civile en dépit d'intenses efforts diplomatiques internationaux, deux ans et demi seulement après son indépendance du Soudan.

Ces renforts s'ajouteront aux quelque 7000 Casques bleus et 700 policiers de la MINUSS.

Les États-Unis ont proposé une résolution en ce sens, qui sera soumise au vote des 15 membres du Conseil mardi à 15 h, a indiqué l'ambassadeur français Gérard Araud qui préside le Conseil. «La réaction de tous les membres du Conseil a été positive», a-t-il estimé.

«Il y a un consensus très large et la volonté d'agir rapidement», a renchéri l'ambassadrice américaine Samantha Power. Mais elle n'a pas caché que l'envoi des renforts «va prendre au moins quelques jours».

M. Ban avait auparavant prévenu que «les Nations unies enquêteront sur les accusations de graves violations des droits de l'homme et de crimes contre l'humanité» au Soudan du Sud. «Ceux qui sont responsables à un haut niveau devront en répondre personnellement et faire face aux conséquences, même s'ils prétendent n'avoir pas été au courant des attaques», a-t-il averti.