Machettes en bandoulière, deux jeunes surveillent un carrefour de Boy-Rabe, quartier populaire de Bangui, ancien fief du président renversé François Bozizé.

L'un d'eux achète une cigarette à l'unité. Sur sa machette, les mots «Gobere Balaka» écrits à la peinture blanche.

Gobere comme le nom de son village - inconnu - en brousse à plusieurs centaines kilomètres de là. Balaka comme «anti-balaka» (anti-machette), les milices chrétiennes, accusées du massacre de centaines de musulmans en représailles aux exactions de l'ex-rébellion Séléka qui a pris le pouvoir en mars.

D'abord méfiants, les responsables du groupe, avec qui l'AFP a pris rendez-vous, surgissent du quartier, demandent un report au lendemain avant de se raviser et de s'installer dans un «maquis» du quartier.

Deux hommes se présentent : le «colonel Angelo», 25 ans environ, et Émilien, la bonne trentaine. Angelo n'est pas dans son état normal. Il ne sent pas l'alcool, mais a un regard fixe étrange, inquiétant avec une diction difficile. L'effet sans doute de médicaments.

«Il n'y a pas besoin de négocier. On ne négocie pas avec Djotodia. Il doit partir. On n'a pas à parler», affirme en sango Angelo sur un ton menaçant à propos de l'offre faite samedi par le président de transition Michel Djotodia, chef de la Séléka d'ouvrir des pourparlers avec les anti-balaka.

«Il faut qu'il quitte le pouvoir. S'il part, une heure après, dix minutes après les troubles seront terminés et on se serrera dans les bras. On attend. S'il aime la Centrafrique, il part», affirme Émilien.

Que pensent-ils des massacres de civils musulmans? Plus de 600 personnes, selon l'ONU, sans doute beaucoup plus, ont été tuées dans les affrontements depuis le 5 décembre et l'offensive des balaka.

Les deux hommes sont évasifs chaque fois que la question des massacres est posée.

Et répondent par des accusations sur les exactions de la Séléka : «Ils ont commencé. Ce sont des Soudanais, des Tchadiens, ils tuent les Centrafricains comme des vaches, nous traitent comme des animaux. On a perdu nos biens, nos familles. Si on croise les bras, on risque de disparaître», affirment-ils.

Puis, ils assurent qu'ils n'ont fait que combattre les hommes armés de la Séléka.

«Balaka, c'est la population»

«C'est un affrontement. Ça fait deux mois qu'on a commencé. Il y a eu des obstacles sur la route. C'était des affrontements avec les militaires Séléka», affirme Émilien.

Dans ce quartier, où les milices Kokora (Comité contre la rébellion armée, arc et flèche en sango, milices pro-Bozizé) étaient très présentes en janvier et février, les balaka sont chez eux.

Visiblement originaires de la campagne, ils affirment venir de Bozoum, Bouca, Bossangoa (ouest-nord de Bangui) et rappellent les exactions commises par des hommes de la Séléka dans les milieux ruraux.

«Ils ont rasé des villages entiers. Les gens meurent de faim. Tout a été détruit», souligne un client du maquis se mêlant à la conversation. «On ne travaille pas. On vit accueilli par la population. La population nous donne à manger. Balaka c'est la population, la population c'est balaka», insiste Émilien.

Le quartier de Boy-Rabe, touche la brousse environnante qui entoure Bangui. Il est facile d'infiltrer le quartier sans passer par les barrages routiers.

Angelo exhibe de vieilles cicatrices au poignet et dans le bas des reins. Un jeune retire son T-Shirt exposant une blessure par balle. Un autre a un oeil au beurre noir. «Tout ça c'est Séléka», crie Angelo, très remonté.

Ils affirment ne pas avoir d'armes de guerre : «On a des machettes, des fusils qu'on fabrique nous-mêmes (des genres de fronde ou des sarbacanes)», souligne Émilien.

Les militaires français? Émilien reste là encore flou quand on évoque leur volonté de désarmer la Séléka, mais aussi les anti-balaka. «On n'a pas de problème avec eux. C'est la puissance coloniale. On leur doit le respect. Les Séléka sont des djihadistes. C'est pour ça qu'ils viennent nous aider», explique-t-il alors que l'intervention française, mal comprise, est souvent interprétée comme un signal donné aux milices chrétiennes pour se venger.

L'entretien se termine. Angelo répète : «Pas question d'attendre. Djotodia doit partir».