La tension est subitement retombée mercredi à Bangui après des journées explosives marquées par des pillages, des lynchages et des appels à la haine entre chrétiens et musulmans, et l'armée française a poursuivi méthodiquement le périlleux désarmement des groupes armés.

Depuis Paris, le président français François Hollande s'est engagé à mener à bien l'intervention armée en Centrafrique, jugeant que «ne pas intervenir, c'était rester les bras ballants à compter les morts», à son retour d'une brève visite à Bangui. Il a estimé que le déploiement de 1600 soldats français était «essentiel face aux exactions, aux massacres».

La tension extrême des derniers jours a soudainement baissé dès le matin dans la capitale centrafricaine écrasée par la chaleur. Contrairement aux dernières 48 heures, aucun pillage massif n'a été signalé dans la ville.

«Ce matin, les gens sortent massivement autour de chez moi», a raconté un habitant du quartier de Ben Zvi, non loin de la Primature. «Les gens ont faim. Ils doivent sortir», commentait un autre

Cette accalmie s'est confirmée au fil des heures. Quelques taxis ont même recommencé à circuler dans la capitale toujours survolée par des hélicoptères de combat français.

A Paris, la compagnie Air France a annoncé mercredi qu'elle reprenait jeudi ses vols vers Bangui, qu'elle avait suspendus mardi après la mort de deux militaires français dans la capitale de la Centrafrique.

«Général» Séléka inhumé

Profitant de ce répit précaire à Bangui, les fidèles de la mosquée du quartier du PK-5, dans le centre-ville, ont organisé un convoi funéraire pour aller inhumer 16 d'entre eux à la sortie de la ville, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Parmi les linceuls blancs se trouvaient, selon eux, le corps d'un «général» de l'ex-rébellion Séléka, Mahamoud Saleh, «tué» par les soldats français.

Sur le terrain, outre le désarmement, les soldats français ont désormais aussi pour tâche d'éviter une généralisation des représailles contre les civils musulmans de la part d'une population chrétienne terrorisée pendant des mois par les combattants de l'ex-rébellion Séléka, composée en majorité de musulmans, parvenue au pouvoir en mars 2013.

Dans ce contexte, le déploiement des forces françaises dans cette ancienne colonie, débuté la semaine dernière, «durera le temps que les forces africaines prennent le relais», selon M. Hollande, venu mardi soir à Bangui s'incliner devant les dépouilles des deux soldats tués lundi, premiers morts de l'intervention française.

«Il s'agit de sauver des vies dans un pays où il n'y a plus ni État, ni administration, ni autorité, de rétablir la sécurité», a ajouté le chef de l'État cité par la porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem.

La mission de la France en Centrafrique est «dangereuse» mais «nécessaire» pour éviter «un carnage», avait souligné mardi le président Hollande lors de son étape à Bangui de retour de l'hommage à Nelson Mandela à Johannesburg.

François Hollande a ajouté mercredi s'être entretenu à Bangui avec le président et le Premier ministre de transition centrafricains, Michel Djotodia et Nicolas Tiangaye.

«Il leur a rappelé l'importance pour la France d'une transition politique rapide», a dit la porte-parole du gouvernement, évoquant une situation humanitaire et sécuritaire «catastrophique».

Scènes de lynchage

Le père d'un des deux soldats français tués a d'ailleurs expliqué mercredi que son fils avait été témoin de scènes de lynchage de miliciens musulmans désarmés par les militaires français.

«Dès que les soldats français désarmaient des miliciens musulmans, ils les voyaient se faire lyncher par une foule de chrétiens, en pleine rue. Et l'armée ne pouvait rien faire pour empêcher ça», a-t-il dit dans un entretien au Parisien.

Le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian a d'ailleurs reconnu mercredi que l'intervention en Centrafrique «est beaucoup plus difficile» que celle entamée il y a près d'un an au Mali, «parce que l'identification de l'adversaire n'est pas si simple».

Les soldats français qui ont reçu le feu vert de l'ONU la semaine dernière ont pour mission de «rétablir la sécurité, protéger les populations et garantir l'accès de l'aide humanitaire» en République centrafricaine, pays livré au chaos et à une spirale infernale de violences inter-religieuses depuis la prise du pouvoir par la Séléka, une coalition hétéroclite de groupes rebelles à dominante musulmane.

Dans les faits, le désarmement vise en priorité les combattants de l'ex-rébellion Séléka, jusqu'à présent tout-puissants dans la capitale où ils se sont rendus coupables de nombreuses exactions sur la population.

Frustrés d'avoir été désarmés et cantonnés dans leurs bases, beaucoup d'hommes de la Séléka sont aussi furieux d'avoir été privés par les Français de tout moyen de se défendre --avec leurs familles et leurs proches-- face à la vindicte populaire.

Les violences ont fait quelque 400 morts, comptabilisés par la Croix-rouge - très probablement beaucoup plus - la semaine dernière, rien qu'à Bangui.

Malgré l'accalmie de mercredi, la situation dans ce pays plus grand que la France peut à tout moment basculer de nouveau dans une extrême violence. La Centrafrique se trouve face à un «vrai risque de guerre civile» qui n'a «peut-être» pas encore été écarté, a déclaré mercredi le ministre français délégué au Développement, Pascal Canfin.