Directeur du Réseau de recherche sur les opérations de paix, Jocelyn Coulon a récemment séjourné en République centrafricaine. La Presse lui a parlé hier.

Q: Vous étiez à Bangui, en République centrafricaine, à la fin octobre. Quelle était la situation à ce moment-là?

R: Dès notre arrivée, nous avons constaté que c'est un bataillon français qui contrôlait l'aéroport. Quand le gouvernement n'est pas en mesure d'assurer la sécurité de son principal aéroport, ça en dit long sur le niveau d'instabilité du pays... Durant notre séjour, la situation était calme, mais on sentait la tension. On nous a dit de ne jamais sortir de notre voiture à Bangui, de toujours aller du point A au point B sans faire d'arrêts. Aucun Occidental ne se promenait dans la rue. On ne voyait que des Centrafricains, et des miliciens Séléka armés aux carrefours. Deux jours après notre départ, des Centrafricains ont été abattus devant notre hôtel.

Q: L'ONU vient de donner le feu vert à une présence française accrue. Est-ce suffisant?

R: Les 1200 troupes françaises ne sont pas suffisantes pour imposer la sécurité dans le pays au complet, mais c'est suffisant pour venir en appui à la force africaine dans la capitale. C'est une première étape vers une expansion qui doit mener à une présence de 9000 hommes sur le terrain. Il faut dire qu'il s'agit d'un pays effondré, qui a vécu 10 opérations de paix depuis 1997... La situation actuelle ne se réglera pas en deux ans. Il faut mener une opération sur 10, 20 ans pour arriver à quelque chose.

Q: Nous assistons à une hausse de la violence entre chrétiens et musulmans. Est-ce le début d'exactions ethniques à plus grande échelle?

R: Je crois qu'il est trop tôt pour le dire. En République centrafricaine, les affrontements entre chrétiens et musulmans, c'est un phénomène nouveau. Je crois que ces violences, jusqu'ici, sont conjoncturelles. Historiquement, c'est du jamais vu au pays, où 80% de la population est composée de chrétiens.