Les députés somaliens ont largement adopté lundi une motion de défiance contre le premier ministre Abdi Farah Shirdon, mettant fin à un conflit ouvert entre le chef de l'État et lui, et écartant le spectre d'une grave crise, un an après la mise en place de cet exécutif censé ramener la paix en Somalie.

La motion a recueilli 184 voix pour et 65 contre lors d'un vote à main levée, a annoncé le président de la Chambre du peuple (Chambre basse du Parlement), Mohamed Osman Jawari. «L'actuel premier ministre et son gouvernement continueront leur travail jusqu'à la nomination d'un nouveau premier ministre et d'un nouveau gouvernement», a-t-il ajouté.

Aucun délai n'est prévu par la Constitution pour la nomination d'un nouveau gouvernement. La Constitution indique seulement que le président - Hassan Cheik Mohamoud - choisit un premier ministre, ensuite chargé de former le gouvernement.

Les députés «ont refusé que je m'exprime, alors que le gouvernement était sous le feu des critiques et c'est inacceptable; même un accusé a le droit de se défendre», a protesté le premier ministre sortant lors d'une conférence de presse, quelques minutes avant le vote.

Dimanche, au cours d'une session houleuse, le chef du gouvernement s'était vu interdire l'accès à la Chambre par les députés.

Cette motion de défiance, déposée mi-novembre et longuement discutée samedi et dimanche, marque l'issue d'un conflit ouvert entre le président Mohamoud et son premier ministre, tous deux en place depuis septembre 2012.

Ce conflit était susceptible de déboucher sur une grave crise institutionnelle, à peine plus d'un an après l'entrée en fonction de cet exécutif somalien, alors présenté comme le meilleur espoir de paix depuis deux décennies pour la Somalie, privée de réelle autorité centrale et plongée dans le chaos et la guerre civile depuis la chute du président Siad Barre en 1991.

L'origine du conflit entre les deux hommes est peu claire, mais des hommes politiques somaliens ont mis en avant des affaires de corruption et des questions de loyauté, combinées au complexe système clanique somalien, dans lequel chaque groupe communautaire est censé trouver sa place au sein du pouvoir.

Fragile autorité

Les tensions ont éclaté au grand jour début novembre, quand la gouverneure de la Banque centrale, Yussur Abrar, en place depuis moins de deux mois, a annoncé sa démission depuis Dubai, affirmant, malgré les démentis du gouvernement, avoir subi des pressions pour prolonger des contrats douteux.

Son prédécesseur, Abdusalam Omer, avait dû démissionner en septembre, quand des experts de l'ONU avaient dénoncé des détournements de millions de dollars et accusé la Banque centrale d'être devenue une «caisse noire» de dirigeants somaliens, des accusations là encore démenties par Mogadiscio.

Des proches du premier ministre font en fait remonter le conflit au mois de septembre, à l'occasion d'une proposition de remaniement ministériel. La liste proposée par M. Shirdon, qui avait demandé la tête de trois alliés de M. Mohamoud, dont le puissant ministre de l'Intérieur, aurait fortement déplu au chef de l'État.

Selon plusieurs sources, le président a alors demandé sa démission au premier ministre qui a refusé, considérant cette exigence inconstitutionnelle. L'article 90 de la Constitution prévoit que le chef de l'État nomme le premier ministre et le limoge s'il n'a pas la confiance de la Chambre.

Une source occidentale avait récemment confié à l'AFP que l'optimisme ayant accompagné l'installation de l'exécutif somalien, il y a à peine plus d'un an, s'était depuis frotté à la «réalité».

«C'est inquiétant, parce que, de plus en plus, ils semblent suivre l'exemple de leurs prédécesseurs» du gouvernement fédéral de transition (TFG), avait-elle poursuivi. Les huit ans de pouvoir du TFG (2004-2012) ont été marqués par une corruption rampante et des conflits politiques incessants autour des lignes claniques.

Malgré d'importants succès militaires contre les islamistes shebab, contraints par l'embryon d'armée somalienne, épaulée par la Force de l'Union africaine et un corps expéditionnaire éthiopien, d'abandonner l'essentiel de leurs bastions depuis août 2011, le gouvernement somalien peine toujours à imposer son autorité au-delà de Mogadiscio et sa région.

Outre la menace persistante des shebab, qui contrôlent toujours de vastes zones rurales, plusieurs régions rejettent l'autorité de Mogadiscio.

PHOTO ISMAIL TAXTA, REUTERS

La motion a recueilli 184 voix pour et 65 contre lors d'un vote à main levée, a annoncé le président de la Chambre du peuple (Chambre basse du Parlement), Mohamed Osman Jawari.