Le président centrafricain Michel Djotodia a annoncé vendredi le proche rétablissement du couvre-feu à Bangui face à une vague de criminalité d'ex-rebelles qui sèment aussi la terreur en province et inquiètent la communauté internationale.

L'Union européenne, après Washington et Paris, a dénoncé les «violations généralisées des droits de l'Homme».

Rassemblés derrière une banderole proclamant «Non au génocide programmé des Centrafricains», magistrats, avocats mais aussi collégiens ont défilé dans le centre de Bangui pour dénoncer la vague de meurtres - dont celui d'un magistrat - et vols avec violences qui ont ensanglanté la ville depuis début novembre, après une période de relative quiétude, a constaté un journaliste de l'AFP.

«Je vais prendre le décret incessamment pour restaurer le couvre-feu (levé en octobre) de 22 h (16 h à Montréal) à 6 h heures», a annoncé Djotodia au cours d'une rencontre avec les notables de Bangui au palais présidentiel.

«Durant cette période, les patrouilles seront intensifiées», a-t-il précisé, ajoutant que «tout individu» en tenue militaire ou en armes la nuit serait «désarmé par la force».

Placé sous pression internationale intense pour rétablir un minimum de sécurité dans son pays, le chef de l'État avait déjà promis mardi des «mesures exceptionnelles» contre «les criminels et les pillards».

Le pays est livré à une insécurité généralisée depuis le renversement, le 24 mars, du régime de François Bozizé par Michel Djotodia, à la tête de la coalition rebelle Séléka qu'il a ensuite dissoute. La communauté internationale s'alarme désormais d'un risque de «génocide» dans un pays à l'économie en ruine et confronté à une crise humanitaire d'ampleur.

Indicateur de cette dégradation de la situation des droits de l'Homme depuis mars, le nombre d'enfants-soldats dans le pays a quasiment doublé, a indiqué Souleymane Diabate, représentant de l'Unicef en République centrafricaine.

«Grosso modo, on parle aujourd'hui de 5000 à 6000 enfants, ce qui représente un quasi-doublement de notre estimation précédente», qui était de 3500 enfants, a-t-il ajouté, sans dire qui les recrutait.

«Risque d'escalade»

Les exactions sans fin d'hommes armés issus de l'ex-rébellion et se revendiquant de confession musulmane ont provoqué en septembre et octobre des explosions de violences de populations, très majoritairement chrétiennes. Cela a entraîné un cycle de représailles et contre-représailles meurtrières, entre milices d'autodéfense et ex-rebelles.

Pour l'UE, «il existe un risque considérable d'une nouvelle escalade de la crise, sur fond notamment de tensions intercommunautaires et religieuses», a déclaré un porte-parole de la chef de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton.

Les Européens se disent «particulièrement inquiets de l'exploitation politique de ces violences» et appellent «les autorités de transition à tout mettre en oeuvre pour prévenir l'aggravation des tensions». «Nous sommes alarmés par les violations généralisées des droits de l'Homme qui se produisent en toute impunité et touchent l'ensemble de la population», a-t-il ajouté.

Jeudi, la France, ancienne puissance coloniale et qui milite pour une action armée rapide dans le pays, avait fait état d'un risque de «génocide», par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius.

Paris, qui a un contingent de 400 soldats à Bangui, se dit prêt à augmenter son effort militaire pour épauler la force africaine en cours de déploiement, qui manque de matériel et de finances. Le conseil de sécurité de l'ONU doit se pencher sur la question la semaine prochaine.

Sur tous les fronts, les mauvaises nouvelles s'accumulent pour Bangui. Vendredi, le Processus de Kimberley - système international visant à assurer que les diamants ne financent pas des conflits - a reconduit la suspension des exportations de gemmes centrafricaines, principale source de devises du pays.

M. Djotodia espérait une petite éclaircie en annonçant jeudi qu'il était en négociations avec le chef de la sinistre rébellion ougandaise de l'Armée de résistance du seigneur (LRA), Joseph Kony recherché depuis des années pour crimes contre l'humanité, dans un but humanitaire. Peine perdue. Washington a jugé que cela n'était pas «crédible», même si la présidence centrafricaine maintient sa position.