Le gouvernement de République démocratique du Congo (RDC) et les rebelles congolais du M23 ont échoué à signer lundi à Kampala un important «accord» de paix, censé tourner la page de 18 mois d'affrontements meurtriers dans l'est de la RDC, a annoncé le gouvernement ougandais, médiateur dans les pourparlers.

Alors que la signature de cet accord semblait imminente, le porte-parole du gouvernement ougandais Ofwono Opondo, a annoncé sur Twitter que la délégation de RDC a «renoncé à signer un accord avec le M23». Il a ajouté que les pourpalers devant mener à cet accord étaient reportés sine die.

Devant la presse, il a déclaré que la délégation congolaise avait refusé au dernier moment d'entrer dans la salle où devait être signé l'accord. «Ils ont tardivement demandé un changement des termes de l'accord, nous avons ajourné en conséquence», a-t-il poursuivi.

Les pourparlers ont largement achoppé sur une question de sémantique, le gouvernement de Kinshasa ne voulant pas signer un texte dans lequel le mot «accord» était spécifiquement mentionné.

À Kinshasa, le porte-parole du gouvernement Lambert Mende a déclaré ne pas étre «étonné» par l'annonce faite à Kampala. «Nous, nous voulons signer une déclaration, mais le facilitateur s'entête pour une raison que nous ne connaissons pas et veut nous imposer un accord. (...) Il devient le problème. Au lieu d'être une solution», a-t-il déploré.

En début de soirée, M. Opondo avait indiqué que les délégations du M23, du gouvernement de RDC mais aussi des observateurs européens, américains, de l'ONU et de l'Union africaine étaient arrivés à la résidence présidentielle où devait se dérouler la signature à Entebbe, localité proche de la capitale ougandaise située sur le Lac Victoria.

Le Mouvement du 23 mars (M23), rébellion de Tutsi congolais, a été mis en déroute la semaine dernière par l'armée congolaise, appuyée par une brigade d'intervention de l'ONU, après avoir sévi 18 mois dans la riche province minière du Nord-Kivu.

Le document qui devait être signé lundi devait notamment fixer le sort de ses quelque 1700 combattants - un chiffre avancé par Kampala, remis en question par certains observateurs - réfugiés dans des camps en Ouganda. Une centaine de rebelles blessés ont également fui au Rwanda, accusé, comme l'Ouganda, de soutenir la rébellion.

Le cas de certains commandants est cependant compliqué, notamment celui du chef militaire Sultani Makenga, accusé de massacres, viols, enrôlements d'enfants et qui figure sur des listes de sanctions onusienne et américaine.

L'accord attendu lundi soir était jugé clé pour tenter de pacifier une région troublée depuis deux décennies. Mais il n'aurait de toute façon pas été suffisant pour régler le problème : des dizaines d'autres groupes armés continuent de terroriser les populations locales dans les montagnes de l'est de la RDC et d'autres opérations seront de toute façon nécessaires pour venir à bout de ces groupes rebelles.

Le rôle de l'Ouganda et du Rwanda

À la veille de la signature annoncée de l'accord, les observateurs avaient d'ailleurs appelé à la prudence car de précédents accords de paix signé dans la région n'ont jamais empêché une reprise des hostilités, soit parce qu'ils n'ont pas été appliqués, soit parce qu'ils ne s'attaquaient pas aux questions de fond que sont le retour des réfugiés et le partage des terres.

L'organisation humanitaire britannique Oxfam a de son côté insisté sur le fait qu'une réponse militaire aux groupes armés ne suffirait pas.

«Le gouvernement doit aussi offrir des alternatives crédibles aux combattants qui veulent déposer les armes», a dit l'ONG, appelant à l'adoption d'un «programme de désarmement, démobilisation et réintégration afin de fournir aux combattants une alternative à la guerre». «Il doit y avoir un processus politique qui s'attaque aux problèmes de fond, comme la terre, les moyens de subsistance, le contrôle des ressources et la représentation de toutes les communautés», a-t-elle jugé.

D'autres observateurs ont aussi souligné que tant que les pays de la région, Rwanda en tête, ne retireront pas leurs pions de l'est de la RDC, rien ne changera vraiment non plus.

L'envoyée spéciale de l'ONU pour les Grands Lacs, Mary Robinson, qui voyait dans la signature de l'accord «une étape très importante» vers la paix dans la région, veut cependant croire que le président rwandais Paul Kagame et son homologue ougandais Yoweri Museveni, qui ont toujours nié soutenir le M23, respecteront un précédent accord de paix signé en février par 11 pays de la région.

Désormais, a-t-elle ajouté, la priorité va être de vaincre les rebelles hutu rwandais des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), qui comptent dans leurs rangs des auteurs du génocide contre les Tutsi du Rwanda en 1994.

Le gouvernement de Kigali, issu d'une rébellion tutsi, les considère comme une menace majeure pour la sécurité du Rwanda et des populations tutsi du Congo. Régler leur cas est donc essentiel pour rassurer Kigali et éviter l'apparition d'une énième rébellion soutenue par le Rwanda.

En RDC, le scepticisme a été bien plus tôt de rigueur sur les pourparlers à Kampala.

Vendredi, une coalition d'ONG, d'associations et de syndicats du Nord-Kivu a qualifié le processus de Kampala de «non-sens» présidé «par un État agresseur, l'Ouganda».

Fidel Bafilemba, chercheur pour l'ONG américaine Enough Project, doutait «de la bonne foi de Kagame et Museveni à lâcher prise si facilement».

«Museveni ne cache pas ses sentiments vis-à-vis du M23 quand il plaide pour leur amnistie générale (...) Le fait d'annoncer que l'Ouganda ne va pas extrader ces rebelles laisse penser à un plan B pour reconstruire cette rébellion», avait-il jugé.