L'Égypte tient à renforcer sa coopération avec la Russie dans la foulée de la crise diplomatique entre Washington et Le Caire déclenchée par l'éviction du président Mohamed Morsi, a indiqué samedi le ministre égyptien des Affaires étrangères Nabil Fahmy.

Le ministre s'exprimait à quelques jours de la venue des ministres russes des Affaires étrangères et de la Défense, attendus au Caire les 13 et 14 novembre pour des discussions portant sur des questions diplomatiques et de coopération militaire.

Alors que par mesure de rétorsion, Washington a gelé partiellement le 10 octobre son aide au Caire, M. Fahmy a estimé que les tensions entre les États-Unis et un de leurs principaux alliés arabes s'étaient apaisées à la faveur de la récente visite du secrétaire d'État américain John Kerry.

Si la visite de M. Kerry le 3 novembre --à la veille de l'ouverture du procès de M. Morsi-- «a laissé une bonne impression en Égypte», elle ne «signifie pas que tout est réglé et qu'il n'y aura pas de soubresaut dans les relations», a souligné M. Fahmy, indiquant que l'Égypte souhaitait développer son «indépendance».

«L'indépendance, c'est avoir le choix. L'objectif de (notre) politique étrangère est donc de dégager plus d'options pour l'Égypte. Je ne vais pas remplacer, mais plutôt ajouter», a expliqué le ministre à l'AFP, dans son bureau sur les rives du Nil.

L'Égypte avait des liens forts avec la Russie avant le traité de paix signé avec Israël en 1979, qui a entraîné le versement d'environ 1,3 milliard de dollars d'aide américaine chaque année dans les décennies suivantes.

Dans le pays où une nouvelle Constitution est en cours de rédaction, le cycle de violences entamé début juillet avec la destitution et l'arrestation de M. Morsi par les militaires a ralenti, a assuré M. Fahmy, mais «il faudra du temps pour qu'il s'arrête définitivement».

Plus de 1 000 personnes, en majorité des partisans du président destitué, ont été tuées dans des heurts avec les services de sécurité, et des milliers arrêtées dans une vague de répression contre les Frères musulmans, la confrérie de M. Morsi.

Des tentatives informelles de dialogue avec les Frères musulmans se sont heurtées à l'intransigeance des islamistes, a affirmé M. Fahmy.

«Il y a eu des tentatives de discussions avec les dirigeants des Frères musulmans», a-t-il déclaré, citant notamment l'échec de la médiation tentée par l'intellectuel Kamal Aboul Magd entre le gouvernement et les islamistes et «d'autres tentatives informelles».

«Nous n'avons pas encore vu d'engagement de la part des Frères musulmans à rejoindre l'Égypte du 21e siècle, moderne, incluant tout le monde et cela pacifiquement», a-t-il conclu.

Évoquant la future loi fondamentale, qui sera adoptée à l'issue d'un référendum envisagé en décembre, M. Fahmy a estimé qu'elle sera «faite pour un État civil».

«Il y a une tendance, et même une détermination, à ce que ce soit une Constitution civile. Ce ne sera ni un État théocratique, ni un État militaire», a-t-il affirmé, alors que l'armée --dont étaient issus tous les présidents d'Égypte a l'exception de M. Morsi-- semble déterminée à conserver ses privilèges protégés par la Constitution.

La Constitution, actuellement examinée par un comité de 50 membres, pourrait également décider d'autoriser ou non les Frères musulmans à participer aux élections législatives prévues au printemps, selon M. Fahmy.

Le Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), vitrine politique des Frères musulmans, avait remporté haut la main les législatives début 2012 ainsi que la première présidentielle démocratique du pays organisée après la révolte populaire qui a chassé du pouvoir le président Hosni Moubarak début 2011.

Un an tout juste après l'élection de M. Morsi, des millions d'Egyptiens sont descendus dans les rues le 30 juin pour réclamer son départ, une mobilisation sur laquelle l'armée s'est appuyée pour son coup de force trois jours plus tard.

Interrogé sur les chances des Frères musulmans aux prochains scrutins, M. Fahmy a estimé «que le nombre important de manifestants le 30 juin est une indication de la direction que les gens veulent prendre».