La Cour pénale internationale (CPI) n'a «jamais pourchassé aucun pays africain», a déclaré jeudi à l'AFP à Bucarest son président, le juge coréen Sang-Hyun Song, qualifiant de «regrettables» les virulentes critiques de certains leaders africains.

Il s'agit de la réaction la plus marquée de la Cour après que le président kényan Uhuru Kenyatta et le premier ministre éthiopien et président en exercice de l'Union africaine Hailemariam Desalegn ont accusé la Cour la semaine dernière de pratiquer «une chasse raciale».

L'UA a demandé l'ajournement des procédures de la CPI pour crimes contre l'humanité contre les deux têtes de l'exécutif kényan, M. Kenyatta et le vice-président William Ruto.

«La CPI ne doit pas être blâmée pour quelque chose qu'elle n'a pas fait. Nous n'avons jamais pourchassé aucun pays africain», a déclaré M. Song interrogé par l'AFP lors d'une conférence sur la CPI organisée par le ministère des Affaires étrangères roumain.

Les pays d'Afrique qui font l'objet d'enquêtes de la CPI «nous ont déféré les situations» qui ont conduit à l'ouverture d'enquêtes, a souligné M. Song.

«La CPI enquête dans huit pays (Kenya, Côte d'Ivoire, Libye, Soudan, République démocratique du Congo, Centrafrique, Ouganda, Mali, NDLR) tous africains c'est vrai, mais dans cinq cas ce sont les gouvernements eux-mêmes qui nous ont déféré ces situations et dans deux cas, le Soudan et la Libye, c'est le Conseil de sécurité qui nous a sollicités», a-t-il ajouté.

«Il n'y a que dans le cas du Kenya que le procureur a lancé sa propre enquête», a expliqué le président de la Cour.

«Il n'y avait pas d'autres options» alors que le Parlement kényan avait rejeté par deux fois l'idée de créer un tribunal local chargé de rendre justice pour les violences post-électorales qui firent au moins 1100 morts en 2007-2008, selon M. Song.

«Ces enquêtes ont été lancées avec la bénédiction du gouvernement, de la population et de la communauté internationale», a-t-il insisté.

M. Song a aussi évoqué des critiques contre la décision récente de la Cour de laisser la Libye juger l'ancien espion en chef du dictateur déchu Mouammar Kadhafi, Abdallah al-Senoussi, une première historique.

«Il est inévitable que l'action de la CPI suscite des réactions fortes, des louanges, mais aussi des critiques. Les juges ne prendront pas en compte les facteurs politiques», s'en tenant au droit, a-t-il dit.

Également invitée lors de la conférence de Bucarest, la présidente de l'Assemblée des États parties au statut de Rome ayant créé la CPI, Tiina Intelmann, a reconnu que la situation avec l'Afrique «nous préoccupe tous».