La Libye a demandé mardi aux États-Unis de lui remettre «immédiatement» Abou Anas al-Libi, un chef présumé d'Al-Qaïda capturé par un commando américain à Tripoli, mais Barack Obama a affirmé qu'il serait jugé par la justice américaine.

Le gouvernement libyen est très embarrassé par cette affaire qui a provoqué la colère de groupes d'ex-rebelles et de partis politiques.

Dans un communiqué lu par son porte-parole, Omar Hmidan, le Congrès général national libyen (CGN), la plus haute autorité politique de Libye, a souligné «la nécessité de la remise immédiate du citoyen libyen», qualifiant le raid américain de «violation flagrante de la souveraineté nationale».

Il s'agit de la première réaction officielle libyenne condamnant clairement l'opération américaine. Le gouvernement libyen avait tenu jusqu'ici des propos mesurés.

Après le raid en Libye et un autre en Somalie le week-end dernier, le président Barack Obama a promis mardi que les États-Unis continueraient à s'en prendre aux «groupes régionaux, certains liés de façon explicite à Al-Qaïda ou à cette idéologie, d'autres plus autonomes».

Il a cependant refusé de commenter la légalité de l'opération à Tripoli.

«Nous savons que Libi a aidé à planifier et à mettre en oeuvre des complots qui ont abouti à la mort de centaines de personnes, dont de nombreux Américains. Nous en avons des preuves solides. Et il sera traduit en justice», a-t-il assuré.

Samedi, lors d'un raid audacieux à son domicile à Tripoli, les forces spéciales américaines ont capturé Abou Anas al-Libi, un Libyen figurant sur la liste des personnes les plus recherchées par la police fédérale américaine (FBI) qui offrait «jusqu'à 5 millions de dollars» pour toute information permettant son arrestation ou sa condamnation.

De son vrai nom Nazih Abdul Hamed al-Raghie, ce chef présumé du réseau Al-Qaïda était recherché par les États-Unis qui l'accusent d'implication dans les attentats meurtriers de 1998 contre les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya (plus de 200 morts).

Le ministre libyen de la Justice Salah al-Marghani avait convoqué lundi l'ambassadrice américaine à Tripoli pour lui «demander des réponses à plusieurs questions relatives à l'affaire».

Lors d'une conférence de presse à Tripoli, il a précisé avoir expliqué à Mme Jones que la capture du Libyen était «un enlèvement contraire aux lois libyennes».

M. Marghani a souligné que son gouvernement «usera des moyens diplomatiques et juridiques pour garantir les droits du citoyen libyen Nazih al-Raghie».

HRW pour un procès équitable

Le premier ministre libyen Ali Zeidan a lui aussi critiqué indirectement l'opération américaine, en estimant que les citoyens libyens «doivent être jugés en Libye» et que «la Libye ne livrera pas ses citoyens pour qu'ils soient jugés à l'étranger».

Les autorités qui n'ont pas réussi, depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, à rétablir l'ordre sont confrontées à la pression d'une partie de l'opinion publique, et à celle de groupes armés et des forces de sécurité pro-islamistes.

La «Chambre des opérations des révolutionnaires de Libye», qui réunit des groupes d'ex-rebelles ayant combattu le régime kadhafiste en 2011, a ainsi annoncé dans un communiqué un «état d'alerte maximum face (...) aux atteintes à la souveraineté du pays de la part des renseignements étrangers».

Le groupe a demandé aux ex-rebelles de se tenir «prêts et d'attendre les ordres» de leur commandement «pour chasser les étrangers en situation irrégulière».

De son côté, le groupe salafiste d'Ansar al-Charia a appelé dans un communiqué à «une grande mobilisation populaire pour libérer le frère Abou Anas détenu par ces mécréants (...), et ceci par tous les moyens permis par la charia», la loi islamique.

Amnesty International a dénoncé la capture d'Abou Anas transporté, selon les Américains, à bord d'un navire de guerre de l'US Navy dans la région pour interrogatoire.

Washington «doit immédiatement confirmer son lieu de détention et lui fournir l'accès à un avocat», a-t-elle dit.

Human Rights Watch a appelé pour sa part à «respecter les droits (d'Abou Anas) afin qu'il puisse être jugé équitablement par un tribunal civil».