Les autorités libyennes ont affirmé dimanche ne pas avoir été informées par Washington de son intention de capturer à Tripoli un leader présumé d'Al-Qaïda, un raid qui les met dans l'embarras et pourrait leur attirer les foudres des extrémistes.

Le Pentagone a annoncé la capture samedi d'Abou Anas al-Libi, de son vrai nom Nazih Abdel Hamed al-Raghie, lors d»une «opération américaine de contre-terrorisme» à Tripoli.

Le Libyen est traqué depuis plus de treize ans par les États-Unis qui l'accusent d'implication dans les attentats de 1998 contre leurs ambassades en Tanzanie et au Kenya.

Dans un communiqué, le gouvernement libyen a affirmé «suivre les informations sur l'enlèvement d'un des citoyens libyens recherché par les autorités des États-Unis (...)». «Dès qu'il a entendu l'information, (il) a contacté les autorités américaines pour leur demander des explications à ce sujet», selon le texte.

Le président de la Commission de la sécurité nationale à l'Assemblée nationale, la plus haute autorité politique en Libye, a indiqué ignorer tout du raid des forces spéciales américaines.

«Informées ou non informées, dans les deux cas, c'est une catastrophe pour les autorités et la souveraineté du pays», note l'analyste libyen Issam al-Zobeir sur sa page Facebook.

Cette opération devrait fragiliser encore plus le gouvernement de transition qui fait face à une montée de l'influence des extrémistes, en particulier dans l'est du pays en proie à l'anarchie.

Selon son fils Abdallah al-Raghie, âgé de 20 ans, Abou Anas a été «enlevé» vers 6 h 30 locales (0 h 30 à Montréal) à son retour à la maison après la prière de l'aube.

Des Libyens sont impliqués dans sa capture, a-t-il affirmé. «Ceux qui ont enlevé mon père sont des Libyens. Leur apparence est celle de Libyens et ils parlent le dialecte libyen».

Ils étaient armés de «pistolets équipés de silencieux». «Certains étaient cagoulés d'autres non», a-t-il précisé à des journalistes devant la maison familiale où son père a été capturé, dans le quartier de Nofleine à 5 km du centre de la capitale.

Selon lui, «une caméra de surveillance a filmé toute la scène. Nous avons donné l'enregistrement à des amis et proches (de son père) pour l'enquête».

Il a affirmé ne plus avoir confiance dans le gouvernement «impliqué» lui aussi, selon lui dans la capture de son père.

Nabih al-Raghie, le frère d'Abou Anas al-Libi, a dénoncé un «acte de piratage» commandité par «des forces étrangères».

Avis partagés sur le raid américain

Selon des proches, Abou Anas al-Libi, 49 ans, était revenu en Libye après le début de la révolte contre le régime de Mouammar Kadhafi en février 2011 et a pris part aux combats au côté des rebelles. Il a ensuite adopté un profil bas ne sortant de la maison que pour aller prier à la mosquée, ont-ils précisé.

Sur les réseaux sociaux, les avis sont partagés sur l'opération américaine. Certains l'approuvent et y voient l'«unique solution pour freiner la montée en puissance des groupes extrémistes» depuis la chute du régime Kadhafi en octobre 2011, vu la faiblesse de l'État.

«Finalement, un de moins. Qu'ils nettoient le pays», commente un des internautes.

D'autres, en particulier sur les pages pro-islamistes, multiplient les critiques acerbes contre le gouvernement d'Ali Zeidan, accusé d'être «un agent à la solde des Occidentaux».

Une page Facebook a été même créée, sous le nom de «États-Unis, nous sommes tous des Nazih al-Raghie» et comptait déjà près de 500 soutiens. «La capture d'Abou Anas en Libye va coûter cher à l'État. Et après, ne nous reprochez pas d'être des terroristes», écrit-on en page d'accueil.

«Tous les (services de) renseignements du monde travaillent en Libye, sauf les renseignements libyens», ironise de son côté un internaute libyen.

Depuis la chute du régime Kadhafi, le pays est en proie à une insécurité croissante avec des assassinats et des attaques ciblant des militaires et des policiers, ainsi que des diplomates et des intérêts occidentaux.

Ces attaques sont généralement attribuées aux islamistes radicaux, à l'instar de celle de septembre 2012 contre le consulat américain à Benghazi (est), dans laquelle l'ambassadeur et trois autres américains ont péri.

Les autorités de transition peinent à rétablir l'ordre, les milices armées comblant le vide laissé par un État en déliquescence.