Les autorités malgaches ont instauré vendredi un couvre-feu nocturne sur l'île touristique de Nosy Be, au nord-ouest de Madagascar, où le calme est revenu au lendemain du lynchage de trois hommes accusés par la foule de l'assassinat d'un enfant.

Sur la plage d'Ambatoloaka, principale station balnéaire de Nosy Be où les deux Européens - un Français et un Franco-Italien - ont été lynchés et brûlés jeudi matin, les touristes sont revenus et ont pu profiter à nouveau du cadre paradisiaque et des eaux turquoises de l'océan. Même s'il restait dans l'après-midi des traces du brasier et des troncs d'arbres calcinés sur le sable.

Touristes et locaux ont de même à nouveau pris d'assaut les terrasses de cafés de Hell-Ville, la petite capitale de l'île.

«Le quotidien de la population de Nosy Be est revenu à la normale», a assuré le gouvernement malgache, annonçant cependant l'instauration d'un couvre-feu nocturne sur l'île, de 21 h à 4 h du matin.

Dans la foulée de cette annonce, le consulat français a appelé les ressortissants français sur place à «respecter impérativement» ce couvre-feu.

«Un contrôle systématique de tous les étrangers (résidents ou touristes) a été décidé», a également indiqué le gouvernement.

Célèbre pour ses plages aux eaux cristallines, Nosy Be est la principale destination touristique de Madagascar, notamment prisée des Français et des Italiens. Quelque 700 Français y résident.

Trois hommes ont été lynchés et leurs corps brûlés jeudi par une foule en colère les tenant pour responsables du meurtre d'un enfant de 8 ans, porté disparu six jours plus tôt et retrouvé mutilé sur une plage. La population les a accusés de «trafic d'organes».

Sébastien Judalet, un Français, était entré à Madagascar le 15 septembre avec un visa de tourisme de soixante jours, selon le chef de district (sous-préfecture) Malaza Ramanamahafahy qui a vu son passeport. Le document montre qu'il faisait de fréquents séjours dans le pays.

Selon une lettre-témoignage d'un bijoutier français établi sur place et publiée par un média local, il était chauffeur de bus à la RATP, la compagnie des transports en commun parisiens.

La deuxième victime, Roberto Gianfala, avait la double nationalité franco-italienne. Son visa ayant expiré, il se trouvait en situation irrégulière à Madagascar.

Dans la soirée de jeudi, un troisième homme, un Malgache, lui aussi soupçonné par la population d'être impliqué dans la mort de l'enfant, a également été tué et brûlé par la foule qui entendait se faire justice. Selon le témoignage du bijoutier, il s'agissait d'un guide local dont une conversation téléphonique à demi entendue a été mal interprétée.

À ce stade, rien n'étaye la possibilité d'un trafic d'organes ni son but: médical, pratiques locales de sorcellerie, ou simple fantasme collectif.

L'enfant a été retrouvé jeudi sans ses organes génitaux et sans sa langue, selon la gendarmerie nationale qui n'a pas encore établi les circonstances exactes du décès, noyade ou meurtre.

Son corps avait séjourné longtemps dans l'eau quand il a été découvert, ce qui pourrait expliquer ses mutilations, et il a été enterré très rapidement selon la coutume musulmane.

«L'enfant était allé à la mosquée toute la journée de vendredi (27 septembre), matin, midi et soir. Dans la soirée, après la sortie de la mosquée, ses amis l'ont accompagné jusqu'au niveau du marché de Dar Es Salam. Il a couru pour rentrer selon ses amis. C'est un enfant qui aime courir. C'est entre le marché et notre maison qu'il a disparu», a raconté en malgache à l'AFP son père Luciano Anjara. «C'est vers minuit que les gens ont découvert le corps de l'enfant mercredi. Après (...), je ne me souviens plus de rien. Je n'ai rien pu faire sauf m'asseoir».

Des avis de recherche avaient été placardés dans l'île. Le père du garçonnet n'a fait aucun commentaire sur le triple lynchage ni sur le comportement des autorités.

Une délégation composée de trois ministres et du chef de la gendarmerie s'est rendue sur l'île vendredi. Elle a rencontré les notables locaux et les familles.

Les gendarmes avaient ouvert le feu mercredi pour se protéger des émeutiers qui exigeaient la tête du meurtrier de l'enfant, faisant deux morts et dix blessés.

Les lynchages publics sont fréquents à Madagascar, où des voleurs présumés ou des conducteurs impliqués dans des accidents mortels sont régulièrement massacrés, et même brûlés vifs.