Interpol a annoncé jeudi avoir émis, à la demande du Kenya, un mandat d'arrêt international pour des charges remontant à 2011 à l'encontre de la Britannique Samantha Lewthwaite, dont le nom est cité dans la récente attaque de Nairobi.

Samantha Lewthwaite, 29 ans, également connue sous le nom de Natalie Webb et aussi dite la «Veuve blanche», est recherchée par le Kenya pour détention d'explosifs et complot en vue de commettre un crime, des charges remontant à décembre 2011, selon l'organisation policière internationale, dont le siège est à Lyon, en France.

Elle a été citée comme possible complice dans l'attaque meurtrière et la prise d'otages commises à Nairobi par un commando de shebab - insurgés islamistes somaliens.

Le nom de cette mère de famille, convertie à l'islam à l'adolescence, revient régulièrement depuis des années dans des affaires terroristes en Afrique de l'Est.

Son visage souriant, illuminé par des yeux bleus et encadré d'un voile, a souvent fait la une des médias britanniques depuis les attentats du 7 juillet 2005 à Londres. Son mari, Germaine Lindsay, 19 ans, était l'un des kamikazes.

Diffusée à 190 pays, la demande d'arrestation à des fins d'extradition d'Interpol («notice rouge»), émise à la demande d'un pays membre, est l'«un des outils les plus puissants pour poursuivre des fugitifs internationaux», selon l'organisation.

Samantha Lewthwaite était déjà recherchée pour possession d'un passeport sud-africain obtenu frauduleusement.

Dans les pas de son premier mari



Jadis effacée, Samantha Lewthwaite est désormais soupçonnée d'avoir basculé dans le terrorisme à l'instar de son mari kamikaze.



Le nom de cette mère musulmane de trois enfants, yeux clairs, cheveux châtain dissimulés sous un simple voile, revenait en boucle depuis plusieurs jours dans la couverture médiatique de l'attaque du centre commercial de Westgate à Nairobi, qui a fait au moins 67 morts.

Depuis, l'étau s'est resserré autour de la jeune femme en cavale.

Cependant, le mandat d'arrêt international émis jeudi par Interpol à la demande du Kenya mentionne des soupçons de détention d'explosifs et complot en vue de commettre un crime, des faits remontant à décembre 2011. Il ne fait aucun lien avec les récents évènements à Nairobi.

La police kényane souhaite l'entendre sur ses liens présumés avec les shebab.

C'est en 2005, dans la foulée des attentats meurtriers du 7 juillet à Londres (52 morts), que Samantha Lewthwaite, fille d'un père militaire stationné en Irlande du Nord, fait pour la première fois parler d'elle.

Son mari, Germaine Lindsay, 19 ans, vient de se faire exploser sur la ligne de métro Piccadilly, faisant à lui seul 26 morts. Elle est alors enceinte de sept mois de leur deuxième enfant.

Samantha Lewthwaite condamne «de tout (son) coeur» l'acte commis par son époux, rencontré sur l'internet. Les mosquées «ont empoisonné son esprit», affirme celle qui s'est convertie à l'islam à l'adolescence, et a suivi des études sur la religion. «Mon monde s'est écroulé», ajoute-t-elle.

Elle disparaît ensuite des radars. On ne retrouve sa trace que quelques années plus tard sur la côte kényane, où elle est surnommée par les extrémistes «Dada Muzungu», la soeur blanche en swahili, selon le quotidien kényan Daily Nation.

Entre temps, elle a eu un troisième enfant et semble désormais marcher dans les pas de son premier mari.

En 2011, elle parvient à échapper à la police kényane, qui arrête un de ses complices présumés, Jermaine Grant, actuellement jugé à Mombasa (est du Kenya) pour tentative d'attentat.

Après l'attaque de Westgate, les pièces du puzzle se mettent petit à petit en place pour retracer l'itinéraire mystérieux de cette femme, devenue «quasi mythique», selon un spécialiste du terrorisme à l'institut londonien Rusi, Raffaello Pantucci.

Son parcours ces dernières années passe par l'Afrique du Sud où elle obtient frauduleusement, selon Pretoria, un passeport en 2008. Ce document a été utilisé pour la dernière fois en février 2011, et depuis annulé.

Elle louait, selon la presse sud-africaine, des maisons à Johannesburg. Deux habitants de la banlieue de Bromhof ont affirmé à l'AFP avoir reconnu son visage sur les photos de presse. Herbie Ullbricht, 69 ans, témoigne l'avoir eu pour voisine «pendant trois ou quatre mois en 2010 ou 2011». Elle portait un hijab noir et ses enfants ne jouaient jamais avec les autres dans la rue, se rappelle-t-il.

Selon la presse, Samantha Lewthwaite a un temps eu des ennuis avec la justice sud-africaine : en août 2012, un tribunal la condamne à rembourser 2800 $ de dettes à une banque.

Dans la petite ville anglaise d'Aylesbury, dans le nord-ouest de Londres, où ses parents se sont installés avec leur fille avant de divorcer en 1995, c'est l'incrédulité et la stupéfaction.

«C'était une gamine ordinaire. Elle n'avait pas beaucoup confiance en elle», témoigne un conseiller municipal, Raj Khan, qui l'a bien connue. «Elle était timide (...), suiviste, pas leader. C'est la raison pour laquelle je trouve ça fou qu'elle puisse être à la tête d'une organisation terroriste internationale.»

Sa grand-mère, Elizabeth Allen, 85 ans, est sous le choc. Elle a dû être hospitalisée devant le flot insoutenable d'informations visant sa petite-fille.

Le nom de Samantha Lewthwaite a notamment circulé sur un compte Twitter des shebab, désormais fermé : «Sherafiyah lewthwaite aka Samantha est une femme courageuse. Nous sommes contents de la compter dans nos rangs». Les mêmes shebab ont cependant démenti sa participation à la tuerie de Westgate.