Sept manifestants ont été tués mercredi par les forces de l'ordre au Soudan au troisième jour d'une contestation antigouvernementale sans précédent qui a paralysé la capitale et tourné à l'émeute.

Depuis lundi, dix personnes au total ont trouvé la mort dans ces protestations, provoquées par la décision du gouvernement de lever les subventions sur les prix des carburants. Il s'agit des plus importantes manifestations dans ce pays depuis l'arrivée au pouvoir du général Omar el-Béchir en 1989.

Les sept victimes décédées mercredi ont été tuées par des tirs des forces de l'ordre qui tentaient de disperser les protestataires, ont affirmé leurs proches et des témoins.

Quatre d'entre eux ont péri à Khartoum, et trois autres à Oumdourman, sa ville voisine. Leurs funérailles se déroulées dans la journée, ont annoncé les mêmes sources.

Dans la soirée, des centaines de manifestants bloquaient les rues de Khartoum en brûlant des pneus dans plusieurs quartiers.

Au même moment à Oumdourman, les policiers continuaient de pourchasser les protestataires.

«Liberté, liberté», «le peuple veut la chute du régime», ont scandé les manifestants, dont beaucoup d'étudiants, reprenant le slogan phare du «printemps arabe».

Des manifestants ont également mis le feu dans la journée à plusieurs voitures sur le stationnement d'un grand hôtel situé à 500 mètres de l'aéroport de Khartoum et à une station-service sur cette même route, selon le correspondant de l'AFP.

Les forces de l'ordre sont intervenues pour disperser les manifestants à coups de grenades lacrymogènes et une vingtaine de personnes ont été arrêtées.

Dans le quartier de Khartoum Bahri, un témoin a affirmé avoir vu six voitures incendiées par les manifestants.

Les magasins étaient fermés à Khartoum et Oumdourman et dès la mi-journée, les transports publics ne fonctionnaient plus.

«Je dois faire dix kilomètres à pied. C'est vrai que les manifestants défendent nos droits, mais ils nous rendent la vie plus difficile», a affirmé Ahmad Amer, un employé qui rentrait chez lui après son travail.

Face à l'extension des troubles, l'ambassade des États-Unis à Khartoum a appelé «toutes les parties à ne pas recourir à la force et au respect des libertés publiques et au droit au rassemblement pacifique».

Les autorités soudanaises ont quant à elle annoncé la fermeture des écoles à Khartoum jusqu'au 30 septembre.

Les connexions internet étaient en outre coupées dans la capitale, selon plusieurs utilisateurs, mais il n'était pas possible de déterminer s'il s'agissait d'une panne ou d'une coupure délibérée de la part des autorités.

Des appels à manifester contre le gouvernement avaient circulé sur les réseaux sociaux.

Tache d'huile

Un étudiant qui participait aux manifestations à Oumdourman, Omar Mohammed Ahmed Al-Khidr, a été tué dans la nuit de mardi à mercredi, a affirmé sa famille à l'AFP. Et la police a fait état d'un mort dans la capitale, tué selon elle lors d'une tentative de pillage.

Mardi, des manifestants avaient pillé et incendié le siège du Parti du congrès national, au pouvoir, à Oumdourman, selon des témoins.

Les protestations ont fait tache d'huile dans le pays, et des centaines de personnes, dont des étudiants, ont marché mercredi à Port-Soudan, unique port du pays à un millier de kilomètres au nord-est de Khartoum, selon des témoins qui ont indiqué que la police a dispersé les manifestants à coups de grenades lacrymogènes et de matraques.

Quelques centaines d'étudiants ont également manifesté à Atbara, à 400 km au nord de Khartoum, selon des témoins.

Les manifestations avaient commencé lundi à Wad Madani, chef-lieu de la province d'Al-Jazira au sud-est de Khartoum, où un manifestant a été abattu par des inconnus, selon la police.

Elle a indiqué qu'un groupe de manifestants dans cette province avait tenté mardi «de prendre d'assaut les bâtiments de la télévision et de la compagnie d'électricité», et des blessés légers dans les rangs des manifestants et de la police ont été signalés.

Le mouvement de protestation a également touché la région du Darfour, dans l'ouest du pays.

Le gouvernement a annoncé lundi une forte hausse du carburant à la suite de la suspension des subventions de l'État, dans le cadre d'une série de réformes économiques.

En 2012, des violentes manifestations contre le régime de M. Béchir avaient déjà eu lieu après l'annonce de mesures d'austérité similaires, dont des hausses d'impôts et du prix du pétrole.

Khartoum a perdu des milliards de dollars de revenus pétroliers depuis l'indépendance il y a deux ans du Soudan du Sud et il est depuis touché par une inflation galopante et peine à financer ses importations.