En semant la terreur dans un centre commercial de Nairobi, les militants islamiques radicaux shebab ont voulu frapper les étrangers. Et faire mal au Kenya, qui combat efficacement l'emprise du groupe dans la péninsule somalienne.

Comme cibles faciles, on ne fait pas mieux: des douzaines d'hommes, de femmes et d'enfants qui magasinent dans un centre commercial par un beau samedi de septembre.

Au moins deux des 72 victimes de la tuerie du centre Westgate, à Nairobi, étaient enceintes; Elif Yavuz, diplômée de Harvard, devait accoucher dans deux semaines quand elle a été tuée, samedi, avec son mari, l'architecte anglais Ross Langdon.

Si les militants radicaux shebab ont choisi d'attaquer le centre commercial Westgate, c'est pour frapper le Kenya là où il est le plus vulnérable: sur le front touristique.

«Les shebab avaient une idée en tête: maximiser les morts parmi les étrangers, explique en entrevue Christian Leuprecht, professeur agrégé de sciences politiques au Collège militaire royal du Canada et à l'Université Queen's. C'est leur façon de se venger pour les défaites militaires des dernières années.»

Al-Qaïda

Les militants shebab, un groupe d'extrémistes islamiques qui a prêté allégeance à Al-Qaïda, ont profité du chaos des années 1990 et 2000 pour étendre leur influence en Somalie, pays voisin du Kenya.

Les deux pays partagent une frontière de plus de 600 kilomètres. Ces dernières années, les violences en Somalie, l'un des pays les plus pauvres du monde et qui vit essentiellement sans gouvernement depuis la chute du dictateur Mohamed Siad Barre, en 1991, ont poussé les réfugiés à traverser la frontière pour aller vivre dans les camps de fortune au Kenya.

«Le Kenya est un petit pays, très peuplé, qui vit déjà des conflits interethniques. Il ne peut pas se permettre de vivre avec le chaos et l'instabilité de la Somalie, juste à côté. C'est pourquoi le Kenya a envoyé des soldats pour chasser les militants shebab, qui avaient étendu leur zone d'influence dans le pays.»

Représailles

Hier, un porte-parole des militants shebab a dit que l'attaque était en représailles au rôle joué par le Kenya dans l'offensive de l'Union africaine, qui a repris le contrôle de la Mogadiscio, la capitale somalienne, en 2011.

Plus récemment, en 2012, les troupes kényanes ont chassé les shebab de la ville portuaire internationale de Kismaayo, privant le groupe terroriste de son plus important moteur économique.

Selon M. Leuprecht, les shebab ont perdu du terrain en Somalie, mais ils n'ont pas dit leur dernier mot.

«Le Kenya a connu du succès contre les shebab en Somalie, mais il sera difficile de complètement éradiquer le groupe, dit-il. Et l'attaque survient alors que le Kenya s'est déjà engagé à retirer une bonne partie de ses troupes de la Somalie en décembre. Il faudra voir si cela aura un impact sur cette politique.»

Série d'attaques

L'attaque du centre commercial Westgate est le point culminant d'une série d'attaques de moins grande envergure menées depuis quelques années par les extrémistes shebab, qui veulent imposer une forme radicale de l'islam en Somalie.

Passé maître dans l'art de recruter parmi les jeunes pauvres en Somalie, le groupe est particulièrement à l'aise avec les médias sociaux: c'est sur Twitter que les shebab ont commenté, en temps réel, leur attaque du centre commercial en fin de semaine.

Samedi, le compte Twitter lié au groupe a lancé: «Longtemps, nous avons combattu les Kényans sur notre territoire. Maintenant, c'est le temps de déplacer le champ de bataille et d'amener la guerre chez eux.»

___________________________________

En chiffres

>  Visiteurs au Kenya

2012: 1,24 million

2011: 1,27 million

> L'attaque du centre commercial Westgate en chiffres

Victimes: 61 civils, 6 officiers et 5 assaillants

200 personnes blessées

> Prisonniers

11 assaillants ont été faits prisonniers

Sources: AFP, BBC