Le vice-président kényan William Ruto a quitté lundi Nairobi pour La Haye, où il doit comparaître à partir de mardi devant la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l'humanité, a constaté un journaliste de l'AFP.

William Ruto, 46 ans, est accusé d'être impliqué dans l'organisation de certaines des violences politico-ethniques qui ont meurtri le Kenya après la réélection contestée du président Mwai Kibaki fin décembre 2007, faisant un millier de morts et plus de 600 000 déplacés.

Il a salué de la main un petit groupe de partisans à l'aéroport, mais n'a fait aucune déclaration.

M. Ruto comparaîtra libre devant la CPI, au côté de l'animateur radio Joshua arap Sang, accusé d'avoir, à son micro, encouragé les violences. Tous deux vont plaider non coupables.

Le président kényan Uhuru Kenyatta, doit comparaître à partir du 12 novembre, également pour crimes contre l'humanité. Il sera le premier chef d'État en exercice jugé par la CPI.

Dimanche, MM. Kenyatta et Ruto ont prié ensemble à l'église.

Les deux hommes, chefs de file de leurs communautés respectives kikuyu et kalenjin, appartenaient aux deux camps rivaux lors de la présidentielle de fin 2007. La contestation politique de la victoire de M. Kibaki s'était rapidement muée en tueries entre communautés.

MM. Kenyatta et Ruto se sont depuis alliés sur un ticket commun pour conquérir le pouvoir lors de la présidentielle du 4 mars dernier, qui s'est déroulée pacifiquement.

Les deux hommes, qui selon le statut de la CPI doivent être présents aux audiences, se sont engagés à comparaître librement à La Haye. Mais le chef de l'État a averti dimanche qu'il était impossible que les deux têtes de l'exécutif soient ensemble hors du Kenya.

«Nous allons coopérer avec la CPI, comme nous avons toujours dit que nous le ferions, mais ils doivent comprendre que le Kenya a une Constitution et que Ruto et moi ne pourrons pas être partis en même temps» du pays, a déclaré M. Kenyatta.

MM. Kenyatta et Ruto doivent être jugés dans deux procès séparés, mais certaines de leurs audiences sont prévues en même temps.

Le président Kenyatta affirme que «les accusations sont fausses et seront récusées».

Les députés kényans ont adopté en fin de semaine une motion - essentiellement symbolique en l'état - réclamant le retrait du Kenya du Statut de Rome fondateur de la CPI.

L'ONG Human Rights Watch a qualifié ces procès de «premier véritable effort» pour déterminer les responsabilités dans les violences de fin 2007. Seule une poignée d'exécutants de second plan ont été jugés au Kenya.

«Cela fait des décennies que ceux qui transforment les élections au Kenya en bains de sang jouissent de l'impunité», a estimé le directeur Afrique d'HRW, Daniel Bekele, dans un communiqué. «Ce procès à la CPI s'attaque au problème de l'impunité qui règne dans le pays et offre aux Kényans la possibilité d'obtenir la justice qui leur est refusée par leur propre gouvernement», ajoute-t-il.

Certains craignent néanmoins que les procès ne rouvrent certaines blessures et ne fassent ressurgir les ressentiments. Le président du barreau du Kenya, Éric Mutua a averti lundi que «des débats et déclarations politiques à l'emporte-pièce sur le processus devant la CPI pourrait déchirer le pays et a invité «les dirigeants et le public à la prudence».