Au pouvoir depuis l'indépendance du Zimbabwe en 1980, Robert Mugabe a été investi en grande pompe jeudi pour un nouveau mandat à la présidence du pays à l'âge de 89 ans, après sa large victoire aux élections contestées du 31 juillet.

Devant des dizaines de milliers de partisans enthousiastes réunis dans un stade de la capitale Harare en ce jour déclaré férié pour l'occasion, M. Mugabe a juré d'«observer, faire respecter et défendre la Constitution du Zimbabwe et toutes les lois du Zimbabwe».

La Constitution, relativement libérale sur papier, n'a été adoptée qu'en mars, mais le président peut la modifier à sa guise, son camp ayant remporté plus des deux tiers des sièges au Parlement.

Absent de marque à la cérémonie, le premier ministre sortant Morgan Tsvangirai, qui a qualifié le scrutin d'«énorme farce». Il partageait tant bien que mal le pouvoir avec M. Mugabe depuis quatre ans, les pays voisins les ayant forcés à cohabiter pour éviter une guerre civile à un Zimbabwe ruiné par l'hyperinflation.

Si la Cour constitutionnelle zimbabwéenne a jugé mardi les élections du 31 juillet «libres, honnêtes et crédibles», l'opposition ne cesse de dénoncer des fraudes massives.

Le Mouvement pour le changement démocratique (MDC) de Morgan Tsvangirai explique notamment que des centaines de milliers d'électeurs des villes - les zones qui lui sont les plus favorables - ont été systématiquement exclus des listes électorales, lesquelles n'ont été rendues publiques qu'au dernier moment, ce qui a empêché toute vérification sérieuse (et a fortiori toute contestation).

Il a aussi observé que des dizaines de milliers de personnes ont été «aidées» à voter par des agents électoraux proches du président.

La plupart des pays occidentaux ont condamné un scrutin entaché selon eux d'importantes irrégularités, la Grande-Bretagne - ancienne puissance coloniale - allant jusqu'à réclamer jeudi une «enquête indépendante».

«Je suis déçu que le résultat de l'élection ait été approuvé lors du sommet de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) le week-end dernier», a regretté le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague dans un communiqué.

Tout comme l'Union africaine, la SADC, qui compte 15 pays membres, a adoubé M. Mugabe, trop contente que le scrutin se soit déroulé dans le calme.

Alors que Morgan Tsvangirai était arrivé en tête au premier tour de la présidentielle de 2008, les partisans du président s'étaient déchaînés, faisant près de 200 morts. M. Tsvangirai s'était alors retiré, laissant Robert Mugabe, seul en lice.

Bien qu'une quarantaine de chefs d'État aient été invités, très peu ont fait le déplacement à la cérémonie d'investiture jeudi. On remarquait les présidents congolais Joseph Kabila, namibien Hifikipunye Pohamba et tanzanien Jakaya Kikwete.

«C'est un grand jour pour le Zimbabwe, et le monde va s'arrêter aujourd'hui», a déclaré, emphatique, Alfred Tome, le préfet d'Harare promu porte-parole des organisateurs.

Des bannières portaient dans le stade des messages vantant les dirigeants africains et dénonçant les gouvernements occidentaux accusés d'ingérence dans les affaires zimbabwéennes.

«Quel Africain a jamais observé des élections en Europe, en Amérique?», pouvait-on lire sur l'une d'entre elles. «L'Afrique a parlé, respectez sa voix», disait une autre.

Pour Eldred Masunungure, politologue à l'Université du Zimbabwe, «cette investiture est montée comme la célébration de la victoire après treize années de lutte contre les grandes puissances occidentales».

«Elle peut aussi être interprétée comme une cérémonie d'adieu pour Mugabe. Cela rappelle la Cène de Jésus», a-t-il ajouté.

L'étonnante longévité de Robert Mugabe ne fait pas taire les rumeurs récurrentes sur sa santé, alors qu'il s'absente régulièrement pour de mystérieuses visites en Asie. Et la bataille pour sa succession a déjà commencé au sein de son parti, la Zanu-PF.

Parmi les mesures que prendra son futur gouvernement, il a promis d'intensifier sa politique d'«indigénisation», qui vise notamment à octroyer à des Zimbabwéens noirs la majorité du capital des filiales locales de groupes étrangers.