Les expulsions par la force dans les quartiers pauvres de Lagos, la ville la plus peuplée du Nigeria avec 15 millions d'habitants, ont laissé quelque 9000 personnes sur le pavé et sans moyens de subsistance, ont dénoncé lundi dans un rapport Amnesty International et des ONG locales.

Des dizaines de milliers de personnes sont menacées du même sort si le gouvernement poursuit son plan de «revitalisation» de cette mégalopole chaotique, selon Amnesty et l'ONG d'action sociale et économique, le Social and Economic Rights Action Centre (SERAC).

Selon ces ONG, des bulldozers protégés par des policiers ont démoli 266 bâtiments et plus de 2200 logements du quartier de Badia East en février.

Il s'agissait de «la première phase d'un plan visant à nettoyer tout ce quartier afin de procéder à une revitalisation. Si le plan se poursuit ainsi, des dizaines de milliers de personnes risquent» de se retrouver à la rue, selon le rapport, qui demande l'arrêt de ces opérations.

Des milliers de personnes ont aussi été expulsées de force, selon des plans de nettoyage similaires, dans d'autres villes du Nigeria.

«Nous voulons que le gouvernement de l'État se rappelle que nous ne sommes pas des animaux»,  souligne Tunde Aworetam, pasteur de cette communauté, lors d'une conférence de presse, à l'occasion de la présentation de ce rapport.

Selon son témoignage, et d'autres, la police a commis des sévices physiques contre les habitants expulsés.

Les expulsions de février ont été «dévastatrices pour la communauté du quartier de Badia East, où des dizaines de personnes dorment toujours à la belle étoile, ou sous un pont voisin, exposées à la pluie, aux moustiques et aux risques d'agression physique», a dit Oluwatosin Popoola, chercheur d'Amnesty International au Nigeria.

Le rapport appelle les autorités de Lagos à mettre un terme aux expulsions, de façon à apporter de l'ordre dans la métropole de Lagos, chaotique et surpeuplée.

Les taudis sont de plus en plus nombreux à Lagos où les habitants affluent, de tout le Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique, dans cette ville tentaculaire, à la recherche de travail.

Les expulsés de Badia East affirment vivre dans ce quartier depuis 1973.

Selon Amnesty et le SERAC, cet espace est la propriété du gouvernement fédéral, ayant été attribué depuis des décennies à la société nationale des chemins de fer (National Railway Corporation).

Felix Morka, directeur exécutif du SERAC a contesté que les familles vivant sur une terre qu'elles ne possèdent pas puissent être expulsées de force, sans avertissement.

«Il faut un certificat de propriété» pour être dans la légalité, a dit M. Morka. «C'est facile de désigner (au Nigeria, ndlr) quelqu'un comme étant un squatteur, en s'appuyant sur des règles qui ne sont pas claires», a-t-il ajouté.

Selon M. Morka, le gouvernement de l'État de Lagos, dirigé par le gouverneur Babatunde Fashola, a édicté un certain nombre de lois internes et internationales encadrant les expulsions, sans prévoir de décision judiciaire ni d'aide au relogement.

M. Fashola, s'exprimant sur des chaines de télévision privées, a dit que son gouvernement s'était engagé à améliorer les conditions de vie à Lagos, et ne maintiendrait pas indéfiniment les taudis.

«Au lieu de vous démolir, nous allons démolir vos conditions difficiles», a-t-il dit.

Amnesty et le SERAC ont diffusé des images satellites, datant d'avant et d'après les expulsions, montrant concrètement des maisons, et d'autres structures rasées.