Les violences ayant opposé la semaine dernière deux ethnies de la Guinée dans le sud-est de ce pays ont fait «au moins 95 morts» en moins de trois jours, a affirmé mercredi le gouvernement guinéen, annonçant plus de 130 arrestations et l'ouverture d'une information judiciaire.

«Au dernier rapport, il y a eu au moins 95 morts et une centaine de blessés» lors de ces violences entre des Guerzé et des Konianké en Guinée forestière, a déclaré le porte-parole du gouvernement, le ministre Albert Damantang Camara à quelques journalistes, dont un de l'AFP.

Le précédent bilan du gouvernement, établi le 19 juillet, était d'au moins 58 morts mais des sources hospitalières et humanitaires avaient fait état dernièrement de plus de 80 tués et environ 200 blessés.

Les affrontements ont opposé, entre les 15 et 17 juillet, des Guerzé, majoritaires en Guinée forestière, et des Konianké, d'abord à Koulé, puis à N'Zérékoré et Beyla, distantes de quelques dizaines de kilomètres.

Les Guerzé, des autochtones de la Guinée forestière, qu'on retrouve dans des pays voisins de la Guinée, sont essentiellement chrétiens ou animistes. Les Konianké, pour la plupart musulmans, sont des allogènes, venus d'autres régions que la Guinée forestière.

D'après une source policière, tout est parti du passage à tabac, dans la nuit du 14 au 15 juillet, de trois jeunes Konianké par des gardiens guerzé d'une station-service de Koulé.

Deux des jeunes ont trouvé la mort quelques heures plus tard, entraînant une série d'attaques et de représailles à coups de machettes, haches, coupe-coupe, bâtons, pierres et armes à feu, ainsi que des destructions d'édifices religieux et d'habitations jusqu'au 17 juillet.

Depuis plusieurs jours, «le calme est revenu, les activités ont repris» dans la région dont N'Zérékoré est la plus grande ville, a encore affirmé le ministre Albert Damantang Camara.

«Il y a eu 131 arrestations», a-t-il indiqué, sans fournir de détails sur les suspects, les dates de leurs arrestations, leurs lieux et conditions de détention.

«Des armes ont été saisies et le procureur de la République près le tribunal de première instance de N'Zérékoré a ouvert une information judiciaire», a-t-il ajouté.

«Les forces de sécurité sont déployées à N'Zérékoré, Beyla et Koulé pour continuer leurs opérations de prévention et de dissuasion», tandis que «les autorités administratives, religieuses et coutumières continuent le dialogue et l'appel à l'apaisement», a-t-il poursuivi.

Selon lui, plusieurs membres du gouvernement étaient mercredi «sur le terrain pour évaluer la situation et consolider le retour au calme», et le premier ministre se rendra prochainement sur place.

Auparavant, mardi soir, le porte-parole du ministère guinéen de la Justice, Mohamed Béavogui, avait déjà annoncé l'ouverture d'une information judiciaire et l'arrestation de «plusieurs suspects» soupçonnés d'être impliqués dans les violences.

«Cette information judiciaire a été ouverte sur réquisition du procureur de la République près du tribunal de première instance de N'Zérékoré», et elle «vise à faire toute la lumière afin de poursuivre les auteurs des crimes, les juger», avait expliqué M. Béavogui aux médias publics.

Il n'avait pas précisé le nombre des suspects mais avait indiqué qu'ils avaient été arrêtés en possession illégale d'armes de guerre.

La journée de lundi avait été décrétée jour de deuil national en mémoire des victimes des violences.

Par ailleurs, selon l'organisation Reporters sans frontières (RSF), une radio privée émettant de N'Zérékoré, Liberté FM, avait été suspendue le 18 juillet, ayant été accusée par les autorités «de n'avoir pas respecté l'éthique et la déontologie professionnelle des médias».

Elle a repris ses émissions mardi, d'après RSF, qui a souligné «l'absence totale de fondements» pour les accusations à son encontre «et une forte mobilisation populaire en faveur de la station».