Le nouveau pouvoir centrafricain apparaît de plus en plus divisé à Bangui, trois mois après la prise de pouvoir par la rébellion Séléka, le gouvernement venant d'exclure un ministre influent, accusé d'avoir recruté des mercenaires.

Le ministre des Eaux et forêts Mohamed Dhaffane a été limogé et interpellé dimanche, et restait lundi retenu au camp militaire de Bangui où réside le président de la Transition, Michel Djotodia.

Le ministre de la Communication, Christophe Gazam, a assuré que la justice allait «regarder d'un peu plus près» les agissements du général Dhaffane, tout en affirmant qu'il n'était «ni inquiété ni inculpé, parce qu'il jouit de la présomption d'innocence». «Il n'est pas en prison non plus, je l'ai vu, il va bien», a assuré M. Gazam Betty à la radio privée Ndéké Luka. Mais l'ex-ministre «n'est pas libre de ses mouvements. Il se trouve au camp de Roux, pour sa sécurité», a ensuite assuré à l'AFP M. Gazam Betty.

M. Dhaffane dirige la Convention des patriotes pour le salut du Kodro (CPSK), une des composantes de l'ex-coalition rebelle Séléka qui a pris le pouvoir en mars, poussant à l'exil le président François Bozizé.

M. Dhaffane est désormais accusé d'avoir recruté «des mercenaires et acheté des armes». «Quand on est arrivé à Bangui, il a commencé à vouloir recruter. Pour quelles raisons? On n'en sait rien», a dit M. Gazam Betty, lui aussi issu de l'ex-rébellion Séléka.

«Imaginez si chaque ministre se met à se balader avec des pick-up bourrés de militaires armés, (...) à recruter, à constituer des dépôts d'armes?», a-t-il insisté, ajoutant même que des «hauts responsables» disposaient de «voitures volées». «C'est inacceptable, le président (Michel Djotodia) a dit aux uns et aux autres de ne pas toucher à cela, il faut donner l'exemple».

Quant à M. Dhaffane, il l'a accusé de disposer «d'un certain nombre de villas, éparpillées un peu partout dans la ville, qu'il n'a pas achetées» ainsi que de «20 à 30 véhicules»...

De son côté, la soeur du ministre mis en cause, Zanaba Dhafffane, avait assuré à l'AFP qu'il avait été «appelé dimanche par le chef de l'État» Michel Djotodia. «On a appris peu de temps après qu'il était arrêté et détenu au Camp militaire De Roux», a-t-elle dit.

Le frère cadet du ministre, le colonel Hamed Dhaffane, joint par l'AFP avant d'être à son tour arrêté, a balayé les accusations. «Ce sont de pures allégations. S'il n'est pas libéré, nous allons mettre Bangui à feu», a-t-il menacé.

Crise humanitaire et violences

Les ennuis judiciaires de M. Dhaffane surviennent quelques jours seulement après la publication d'un communiqué de membres de l'ex-rébellion, qu'il avait notamment signé.

Ce texte demandait l'ouverture d'un «dialogue inter-Séléka afin de dégager un consensus nécessaire à la sérénité de la transition». Et il fustigeait les «exactions des éléments armés incontrôlés (...) la marginalisation de la plus importante frange des combattants et militaires de Séléka», ainsi que la poursuite «des braquages, de pillages et autres graves exactions».

Trois mois après avoir pris le pouvoir des rebelles par les armes, le pays est en proie à «une sévère crise humanitaire», selon une dizaine d'ONG, dont Action contre la faim, Save the Children et le Secours catholique.

Selon leur texte publié la semaine dernière, plus de 60 000 enfants et familles souffrent d'une sévère pénurie alimentaire et plus de 200 000 enfants et familles ont été forcés de fuir leurs habitations ces six derniers mois.

Plusieurs ONG des droits de l'Homme ont, quant à elle, fustigé ces derniers jours «des violations massives des droits de l'homme». Human Right Watch a affirmé que les hommes du Séléka avaient «pris pour cible et tué au moins 40 civils et intentionnellement détruit 34 villages ou villes depuis février».