Malgré ses mises en demeure contre le projet de l'Éthiopie de construire un barrage sur le Nil Bleu, l'Égypte ne semble avoir d'autre choix que de privilégier le dialogue pour régler ce contentieux considéré «une question de vie ou de mort», estiment responsables et experts.

Le président Mohamed Morsi a martelé lundi soir devant un parterre de partisans que «toutes les options étaient ouvertes» pour défendre les intérêts de l'Égypte.

«Si une seule goutte du Nil est perdue, notre sang sera la seule alternative», a-t-il affirmé dans ce discours, le plus ferme de sa part en près de deux semaines de crise avec Addis Abeba.

«Nous n'appelons pas à la guerre, mais nous n'accepterons jamais que notre sécurité soit mise en danger», a-t-il poursuivi.

Cette pugnacité est affichée alors que le président islamiste est par ailleurs très critiqué dans l'opinion pour son incapacité à redresser une situation économique grave, et est accusé d'aggraver le profond clivage politique du pays.

Son premier ministre Hicham Qandil a affirmé que la perspective de voir diminuer le débit du Nil, sans qui l'Égypte ne serait qu'un désert, était «une question de vie ou de mort» pour les Égyptiens.

Mais les responsables égyptiens reconnaissent aussi à mi-voix que la voie est étroite face au mégaprojet hydraulique éthiopien.

Addis Abeba a rejeté la semaine dernière l'idée de renoncer à cet ouvrage, considéré comme indispensable pour répondre aux besoins en énergie de sa population.

«Nous sommes en négociations», a assuré à l'AFP un officiel égyptien sous couvert de l'anonymat en niant que M. Morsi ait voulu paraître comme un va-t-en-guerre.

Le Caire a également annoncé son intention d'envoyer son chef de la diplomatie à Addis Abeba pour discuter du sujet.

«La solution doit venir d'une entente entre l'Égypte, le Soudan et l'Éthiopie», a dit Amr Moussa, ex-ministre des Affaires étrangères et adversaire de M. Morsi à la présidentielle de 2012.

«Il faut créer un climat politique propice à une entente» entre ces trois pays -l'Éthiopie en amont et les deux autres en aval du fleuve-, selon lui.

Les propos la semaine dernière d'hommes politiques égyptiens prônant des pressions militaires ou un appui à l'agitation intérieure en Éthiopie, diffusés en direct à leur insu à la télévision, avaient mis le Caire dans l'embarras.

Pour un expert militaire cité par l'hebdomadaire al-Ahram Hebdo, Sameh Seif al-Yazal, l'armée égyptienne n'a pas actuellement les moyens de mener des opérations d'envergure aussi loin de ses frontières. «L'Égypte sera la première perdante dans une telle guerre».

«Le choix doit être celui des négociations et de la coopération», a affirmé Essam el-Erian, chef du groupe parlementaire des Frères musulmans, dont est issu M. Morsi.

Quant au ministre des Affaires parlementaires et légales, Hatem Bagato, il a estimé qu'en cas d'échec des discussions, le Caire pourrait demander l'arbitrage de la Cour internationale de justice.

L'Éthiopie a entamé fin mai une déviation du Nil Bleu -qui rejoint le Nil Blanc au Soudan pour former le Nil- en vue de la construction d'un important barrage hydro-électrique d'un coût de 3,2 milliards d'euros.

L'Égypte redoute que l'ouvrage ne réduise le débit du fleuve, en permettant par exemple d'augmenter les pompages pour l'irrigation.

L'Égypte considère que ses «droits historiques» sur le Nil sont garantis par les traités de 1929 et 1959, lui accordant un droit de veto sur tout projet en amont qu'elle jugerait contraire à ses intérêts.

Ces textes sont toutefois contestés par la majorité des autres pays du bassin du Nil, dont l'Éthiopie, qui ont conclu un accord distinct en 2010 leur permettant de réaliser des projets sur le fleuve sans avoir à solliciter l'approbation du Caire.

Coup dur supplémentaire pour l'Égypte, le Soudan, quasiment son seul allié dans ce dossier, a fait savoir qu'il ne considérait pas le barrage éthiopien comme une menace.